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Jean SEGURAContact par e-mail : jean@jeansegura.fr |
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Histoire du Journal télévisé à la télévision française Georges de CAUNES (26 avril 1919 - 28 juin 2004) Interview par Jean SEGURA 28 septembre 1998 J'ai commencé par la radio : la Libération, correspondant de la voix de l'Amérique. J'ai travaillé avec les Américains sur la première émission d'information qui s'appelait Ce soir en France qui était relayée par La Voix de l'Amérique. Puis j'ai travaillé pour Vital Gayman qui était directeur du journal parlé à la radio (Paris Inter) : une émission que j'ai imaginée et animée à la mi-journée qui s'appelait "Actualités de Paris". Emission très originale pour l'époque : d'abord, les journalistes disaient leur texte ; ensuite il y avait un découpage assez strict qui donnait trois minutes à l'information générale en préambule, et après chaque rubrique (cinéma, théâtre, music hall, les arts, etc) était attribuée à un spécialiste qui avait une minute trente pour traiter son sujet. Et j'étais le chef d'orchestre de tout ça.
A mon retour en 1949, Vital Gayman m'a demandé, avec Sallebert , si j'étais d'accord pour aller faire de la télévision. On a eu l'idée de monter un JT appointé. Le PDG de l'époque, qui s'appelait Wladimir Porché avait trois noms : Georges Briquet, directeur des sports (qui a refusé) ; Michel Robida (prix Fémina 1946 pour son roman Le Temps de la longue patience), petit fils d'Albert Robida contemporain de Jules Verne (Albert Robida : Le XXe siècle, 1882 et La Guerre au XXe siècle, 1883) qui avait "inventé" le concept de télévision avant la lettre, qui a également décliné l'offre ; et Pierre Sabbagh, ancien élève comédien chez Dullin pendant la guerre et qui est entré à la radio à la Libération (on entrait facilement car toutes les places étaient libres). Et c'est finalement à Sabbagh que Gayman a proposé de faire l'information télévisée. Les journalistes de radio, en dehors de Sabbagh, Sallebert et moi, ont tous refusé la perspective de quitter la notoriété des Champs-Elysées (radio) pour aller s'enfermer dans la clandestinité d'une rue de l'autre côté de la Seine qui était la rue Cognacq-Jay. De plus la télévision était très mal vue des journalistes, surtout de la presse écrite qui y voyaient une concurrence potentielle, des fédérations de sport qui y voyaient un danger pour leurs activités, des gens du cinéma qui considéraient avec mépris cette forme d'expression (à l'exception de Marcel L'Herbier). Les grands fondateurs de la Télé, c'est Gilles Margaritis, une homme de cirque. Les années cinquante. Il y avait une vague conférence de rédaction le matin et on décidant de ce qu'on pouvait faire. Je devais traiter ainsi un sujet sur Marcel Cerdan avant son envol pour les Etats-Unis en 1949. Je l'ai trouvé chez son manager après un repas en manches de chemise et ce sont les dernières images de Cerdan, parce qu'il a pris l'avion qui n'est jamais arrivé. C'était quand même un document. La seule originalité du JT de l'époque, c'était le sport. Parce qu'il faut savoir qu'on tournait avec des caméras muettes. Si bien que lorsqu'on filmait un homme politique, il ne parlait pour ne rien dire. Et le journaliste était chargé de résumer - en deux mots - ce que l'homme politique avait dit en deux minutes, ce qui était plutôt un avantage. Donc les hommes politiques ne parlaient pas. La seconde originalité est que le seul événement informatif pris sur le vif transmis rapidement, c'est le sport. Un match de boxe, c'est une tragédie antique à deux personnages, l'un voulant tuer l'autre (le faire tomber), ça prend des proportions considérables. Pour moi l'image était tellement forte que je ne disais rien pendant les trois premières minutes du combat. C'est pendant la minute de repos que je faisais la synthèse de ce que j'avais vu. Il y avait donc un prédominance de l'image. On a lancé le rugby et le football. Mais la fédération avait peur que la télévision lui prenne spectateurs et nous n'avons autorisé qu'à diffuser le soir un compte rendu de 30 à 40 mn du match qui avait eu lieu l'après-midi ; avant le récit dans la presse écrite. Quant au passage aux actualités filmées, il fallait attendre la programmation de la semaine suivante. Alors que là on avait l'instantanéité. En 1949 et 1950, on a fait le Tour de France avec en 1950 des moyens plus importants : deux caméras et deux cameramen. Toutes les images étaient filmées de l'intérieur (c'était déjà de la télévision). On voyait tout ce qui se passait dans la course : les coureurs et les spectateurs le long des routes. Et on retransmettait ça le lendemain matin à 12 h 30. Il fallait le temps qu'on expédie la pellicule par le train, des fois par avion, qu'on l'amène à Cognacq-Jay, qu'on la développe, qu'on la monte et que je la commente. Je faisais un commentaire tranquille au deuxième degré (puisque le résultat était déjà connu), comme les journalistes de la presse écrite. Avec Jacqueline Joubert et le petit Antoine de Caunes Mon expérience au Maroc (en 1954, au moment de la naissance d'Antoine) a duré quatre mois et ma femme Jacqueline Joubert avait l'autorisation de venir me voir une fois par mois. Le chien Eider sous le bureau Dans la vie j'avais un chien, un corniaud, qui m'accompagnait à la télévision (Eider). Quand je faisais le journal, il était sous mon bureau, et certains réalisateurs (intelligents) le montraient. Parce qu'ils partaient de l'idée que ce chien était un contrepoids aux images des hommes, sanglantes, déprimantes ou démoralisantes. Le sommeil de ce chien était tout d'un coup comme une respiration. Au bruit de la musique du générique, mon chien se réveillait, partait devant et je le suivais. Avant 1958, la télévision était un monde très fermé, et Sabbagh choisissait ses commentateurs plutôt dans le monde du spectacle (de la radio veut-il dire) que dans (celui de) l'information. Un des seuls journalistes issu de la presse écrite, c'était François Chalais qui avait un petit magazine d'information. Puis Pierre Lazareff est rentré à la TV en 57-58, sous la caution de gens comme Desgraupes, Dumayet qui ne sont pas des journalistes, mais des hommes de lettres, etnBarrère qui était un réalisateur. Lazareff aurait très bien se faire suivre de ses journalistes de France-Soir. Mais s'il est venu seul, c'est - je suppose - parce qu'on a pas voulu que ce monde secret de la télévision s'ouvre aux journalistes de la presse écrite. En 1958, cet envahissement a eu lieu et tous les gens de la radio qui n'avaient pas voulu venir en 1948 ont déferlé sur la télé. Et le son est devenu plus fort que l'image : c'est à dire que la radio s'est emparée de la télé. Le "pubis" de Chabannes et le piano de François Babaud Les débuts de la télé consistaient dans l'esprit de Porché, qui n'avait pas d'argent, c'était de filmer les émissions de radio. Ainsi l'émission Paris Cocktail, présenté par Jacques Chabannes, homme de lettre, et Roger Féral (qui était le frère de Lazareff) est devenu Ici Paris (puis Télé-Paris, il y avait aussi Jacques Angelevin et François Babaud au piano). Luce Ferrer, la femme de Chabannes jouait dans les pièces que Chabannes adaptait et on l'appelait "le pubis de Chabannes". Ces deux braves gens avaient des invités qu'ils interrogeaient devant un micro. Je lui raconte l'histoire de mon frère Alain Segura, moins de dix ans dans les années 1950-55, qui avait envoyé une lettre à la télévision à propos de François Babaud. Il y écrivait "qui est François Babaud ? on ne le voit jamais, j'aimerais bien le connaître". Quelques jours après, Jacques Chabannes avait lu cette lettre à l'antenne et fait filmer François Babaud par le caméraman de plateau. On le verrait alors à son piano quotidiennement à chaque fin d'émission. Mon père m'avait raconté cette histoire signulière, car moi, de quatre ans plus jeune que mon frère Alain, j'avais toujours vu François Babaud à Télé-Paris et en ignorais la cause.
FIN
Jean SEGURA
L'histoire du Journal télévisé à la télévision française : les chapitres PARCOURIR LE MONDE EN TRENTE MINUTES FILMER PLUS LOIN, MONTRER PLUS VITE DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LA LUCARNE COUPS DE CISEAUX ET COUPS DE GUEULES DU PREMIER JOURNAL À L'INFO MULTI-CHAINES
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