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Jean SEGURA                                                                                    

Contact par e-mail : jean@jeansegura.fr

www.jeansegura.fr

Novembre 2005 : Jean Segura au moment de sa conférence à l'EICTV

Escuela Internacional de Cine y Televisión, San Antonio de los Baños, Cuba.

Novembre 2005

Histoire de l'image numérique : depuis l'ère des pionniers jusqu'à la maturation industrielle

par Jean SEGURA

Sommaire

  1. Les machines de vision : de la photographie à l'ordinateur

        1.1   La Pensée abstraite, l'écrit et l'imprimerie

        1.2   La Photographie

        1.3   Le Cinéma

        1.4   La Vidéo

        1.5   La Télévision

        1.6   L'Image numérique

        1.7   Vidéo et Télévision numériques

        1.8   Images de synthèse et Infographie

        1.9   Imagerie scientifique

        1.10   Premier bilan

 

  2. Images numériques : généralités

        2.1  Image analogique

        2.2  Image numérique, pixel et bit, images raster

        2.3   Codage des gris et des couleurs

        2.4   Résolution de l'image numérique

        2.5   Stockage

        2.6   Visualisation

        2.7   Transmission

        2.8   Images vectorielles

 

  3. Images de synthèse : technologies

        3.1   Dessiner les images

        3.2   Images 2D

        3.3   Images 3D

        3.4   Interaction

        3.5   Apports réalistes

        3.6   Comportements de la lumière

        3.7   Fractals

        3.8   Animation

 

  4. Avant le numérique : du tube cathodique à la télévision

        4.1   Avant la télévision

        4.2   Premières télévisions

 

  5. Premières images par ordinateur

        5.1   Racines de l'image numérique

        5.2   Premières réalisations : Whirlwind et SAGE

        5.3   Outils d'aide à la conception industrielle

                5.3.1   Le Sketchpad d'Ivan Sutherland

                5.3.2   General Motors et le DAC-I

                5.3.3   Débuts de la CAO en France

                5.3.4   Généralisation de la CAO et CFAO

                5.3.5   Maquette numérique et Usine virtuelle

        5.4 Simulation de vol

                5.4.1   Principe du simulateur

                5.4.2   Premiers simulateurs numériques

                5.4.3   Vital II de McDonnell Douglas

                5.4.4   Pancake Window : la sensation d'immersion

                5.4.5   Université d'Utah à Salt Lake à City

                5.4.6   Evans et Sutherland

                5.4.7   Généralisation des simulateurs

                5.4.8   Réalité virtuelle et simulateurs personnels

        5.5 Film d'animation expérimental

                5.5.1  John Whitney : de l'analogique au numérique

                5.5.2  Vertigo et 2001, Odyssée de l'espace

                5.5.3  Premières animations numériques

                5.5.4  Autres pionniers

 

  6. Cinéma, audiovisuel et création numérique

        6.1  Walt Disney et Tron

                6.1.1   MAGI

                6.1.2   Robert Abel & Associates

                6.1.3   Digital Productions et Whitney Demos Productions

        6.2 Studios d'animation 3D

                6.2.1   Pixar, partenaire de Disney

                6.2.2   PDI et Dreamworks Animation

        6.3 Effets spéciaux numériques

                6.3.1   Les Films

                6.3.2   Les studios

        6.4   Logiciels d'animation

                6.4.1   Alias Research

                6.4.2   Wavefront

                6.4.3   Thomson et Sogitec en France

                6.4.4   Softimage

 

 1. Les machines de vision : de la photographie à l'ordinateur

Depuis le milieu du XIXe siècle, nous avons appris à fabriquer et utiliser des machines de vision automatique de plus en plus complexes et performantes.  

Avec des techniques comme la photographie, le cinéma, puis la vidéo, nous avons ainsi connu des bouleversements successifs dans la manière de se représenter le monde réel.

       1.1 La Pensée abstraite, l'écrit et l'imprimerie

Introduite par les Grecs sous l'Antiquité, la pensée abstraite supportée par l'écrit et par la suite reproduite et diffusée grâce l'arrivée de l'imprimerie au XVe siècle, avait considérablement affaibli le pouvoir de l'image dans sa fonction de représentation.

       1.2 La Photographie

Inventée par Nicéphore Niepce au début du XIXe siècle et perfectionnée par Daguerre, la photographie devient, comme le dira André Bazin, une «  prise d'empreinte de l'objet par le truchement de la lumière (...) Pour la première fois, entre l'objet initial et sa représentation, rien ne s'interpose qu'un autre objet (...) une image du monde extérieur se forme automatiquement sans intervention créatrice de l'homme, selon un déterminisme rigoureux  ».

Pour Enrico Fulchignoni, philosophe et historien des sciences italien, la photographie «  permet de satisfaire notre désir de vraisemblance grâce à une opération mécanique d'où l'homme est exclus  » .

       1.3 Le Cinéma

Ce n'est rappelons-le qu'une succession de photographies d'un même objet pendant un temps donné. Il ne crée l'illusion du mouvement que par un procédé d'affichage séquentiel qui leurre notre appareil de vision.

       1.4 La Vidéo

Le développement de l'électricité, puis de l'électronique permet de franchir encore une autre étape en dématérialisant l'image qui devient alors un continuum d'électrons véhiculés par un jeu de composants conducteurs et semi-conducteurs : c'est l'apparition de la vidéo et des   techniques audiovisuelles de captation, de transmission et de visualisation de l'image.

       1.5 La Télévision

La transformation de ce courant électrique en signaux électromagnétiques va encore plus loin dans le processus de dématérialisation de l'image en permettant de s'affranchir d'un support de transmission physique. Les images (et le son) peuvent dès lors être véhiculées à travers les airs et le vide spatial : c'est la télévision, inventée au cours de années 1930 et qui prendra son plein essor à partir des années 1950.

       1.6   L'Image numérique

Enfin au cours des années 1950, les progrès de l'électronique et de l'informatique ont permis de transformer les signaux audiovisuels analogiques sous la forme de séquences écrites dans un code numérique décryptable uniquement par des ordinateurs : l'image numérique.

       1.7 Vidéo et Télévision numériques

Tout d'abord, toute la technologie initiée avec les progrès de la vidéo analogique va basculer dans la sphère « numérique », conduisant à la vidéo numérique standard   (VSD) et haute définition (VHD) et à la télévision numérique standard (SD) et haute définition (TVHD).

Mais deux innovations fondamentales vont émerger du développement de l'image numérique.

       1.8   Images de synthèse et Infographie

La première est la possibilité de créer ex nihilo des images artificielles ou images de synthèse. C'est l'infographie qui va s'épanouir à partir des années 1970-1980 dans plusieurs directions : création audiovisuelle, arts plastiques, simulation, jeux vidéo et jeux d'éducation, création industrielle et aide à la fabrication et production de produits manufacturés, etc.

Le mot français infographie (néologisme contractant "informatique" et "graphisme") a été introduit à la fin des années 1960 par Jean Mourier

       1.9 Imagerie scientifique

La seconde, liée à la mise au point de capteurs spécifiques dans les domaines de l'optique et de l'électronique, va permettre la fabrication de nouveaux   instruments d'observation du monde et du corps humain. Ces appareils d'imagerie scientifique vont contribuer à faire progresser le savoir scientifique et médical en   bouleversant complètement la formation et les pratiques des chercheurs, ingénieurs, médecins, militaires, etc.   

       1.10 Premier bilan

Nées il y a maintenant un peu plus de quatre décennies, les images traitées ou générées sur ordinateur, ou images numériques, ont pénétré de nombreux secteurs de la production, des services et de la création : design, production industrielle, recherche scientifique, création audiovisuelle, architecture, défense et médecine.

Le développement technologique et la commercialisation d'ordinateurs graphiques, de progiciels, de moniteurs vidéo, écrans plats, projecteurs, scanners, caméras, appareils photos, imprimantes et autres périphériques dédiés à l'image font de l'infographie et de l'imagerie numérique une industrie prospère,   créant de nouvelles compétences humaines et un changement dans le comportement des consommateurs.

Aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, de nombreuses manifestations sont consacrées à l'infographie ainsi qu'à ses incidences économiques et culturelles.

1. Jean Mourier , ancien PDG de la firme française Benson, fabricant des tables à tracer les plans

 

 2. Images numériques : généralités

Si pendant près de 35 000 ans, l'image n'a été que le seul fait de la main de l'homme, depuis un siècle et demi sa matérialisation n'a cessé de se transformer au gré des techniques et des machines : chimique avec la photo et mécanisée avec le cinéma, elle devient électronique et hertzienne avec la télévision.

Avec l'informatique, dernière de ses "enveloppes" technologiques, l'image est devenue numérique, c'est-à-dire qu'elle s'ordonne selon un ensemble de valeurs arithmétiques discrètes, et qu'elle est soumise à de nouvelles règles.

Ces règles tiennent à la fois à la manière dont l'image est obtenue ou construite, puisqu'elle est doit être traitée comme une série de nombres, qu'aux procédures de manipulations par les différents outils informatiques : transferts, modifications, stockage, affichage.

       2.1 Image analogique

Pour former une image vidéo analogique, on transforme un signal optique, issu d'une caméra par exemple, en un signal électrique continu dont l'intensité est proportionnelle à l'intensité de lumière d'une zone donnée de l'image.

Mais au lieu d'être une empreinte unique de la lumière sur une surface de pellicule, comme en photographie, l'image vidéo est plutôt comparable à la trame d'un métier à tisser ; chaque trame parcours en une fraction de seconde 525, 625 lignes, 1080 lignes, etc (selon les procédés) pour former une image complète de l'objet filmé.

       2.2 Image numérique, pixel et bit, images raster

Le principe du "numérique"   est de "découper" le signal vidéo continu en une série de valeurs discrètes. L'image n'est plus une trame unique, comme en vidéo, mais une mosaïque de points appelés   "pixels" (contraction anglo-saxonne de picture element ).

À l'inverse, comme nous le verrons plus loin avec les images de synthèse, une série de valeurs données doit permettre de former une nouvelle image.

La valeur de chaque pixel est directement proportionnelle à l'intensité de lumière en un point donné de l'image ; et on a applique aux valeurs de ces pixels un codage informatique binaire (des "zéros" et des "uns") appelé bit (pour binary digit  ).

C'est la   technologie dite raster ou bit-map , différente de la technologie vectorielle qu'on expliquera plus bas.

       2.3 Codage des gris et des couleurs

Si l'on ne disposait que d'un seul bit par pixel, on aurait pour former l'image seulement deux valeurs choisies arbitrairement, par exemple 0 = noir et 1 = blanc. Mais les images par ordinateur utilisent un grand nombre de bits par pixel afin de fabriquer des images riches en nuances de gris ou en nuances de couleurs.

Voici le principe, qui s'appuie sur une règle mathématique simple :

•  Avec un bit, on dispose de deux valeurs : « 0 » et « 1 », soit 2 1 donc deux nuances.

•  Avec deux bits, on dispose de quatre valeurs : « 00 » , « 01 », « 10 » et « 11 », soit 2 2 donc quatre nuances.

•  Avec « n » bits, on dispose de 2 n nuances.

On utilise couramment 8 bits, soit 2 8 = 256 nuances de gris pour une image noir et blanc.

Pour la couleur, on sépare, comme en vidéo, le signal lumineux en trois composantes primaires, rouge, verte et bleue (RVB). On affecte le même nombre de bits à chacune des couleurs.

En combinant les trois signaux R, V et B, codés chacun sur 8 bits (24 bits en tout) on parvient à atteindre 2 24 = 16,7 millions de couleurs différentes.

       2.4 Résolution de l'image numérique

Comme pour l'image vidéo analogique, la résolution de l'image numérique dépend de la finesse du découpage : nombre de lignes par trame en analogique, et nombre total de pixels par image.

À l'affichage, la résolution dépend de la capacité de l'écran, du projecteur ou de l'imprimante. Cette définition varie de 640 points par 480 lignes pour un ordinateur d'ancienne génération, jusqu'à 4000 x 2000, soit environ 8 millions de pixels, qui est le format d'image qu'on commence à utiliser pour le cinéma numérique.

On parvient même à atteindre plusieurs centaines de millions de pixels pour certaines applications d'imagerie scientifique. Par exemple le satellite d'observation terrestre Spot 5 permet de fabriquer des images d'une portion de territoire de 60 x 60 km avec une résolution de 2,5 m par pixel, soit (60000 m/2,5) 2 = 240000 2 = 576 M de pixels.

       2.5 Stockage

Chaque image est mémorisée et interprétée par l'ordinateur sous la forme d'une donnée informatique que l'on peut stocker sur des supports informatiques, bandes et disques magnétiques ou optiques, cartes mémoire.

       2.6 Visualisation

À partir de ces valeurs binaires et par un processus inverse, l'ordinateur peut reformer l'image mosaïque de départ sur un périphérique informatique, écran, projecteur ou imprimante.

       2.7 Transmission

On peut également la transmettre vers un autre ordinateur ou appareil de traitement spécifique par différents moyens, depuis un réseau câblé local, par des liaisons hertziennes ou par Internet.

       2.8 Images vectorielles

Cette technologie, antérieure à la technologie raster qu'on vient de décrire, a été mise au point lorsque la capacité mémoire des ordinateurs était encore très réduite.

Ici l'image, au lieu d'être divisée en centaines de milliers de points rectilignes, est formée par une série de droites et de courbes. L'ordinateur ne mémorise alors que des positions de points et des relations entre ces points.

Par exemple, la droite AB nécessite de connaître les coordonnées cartésiennes du point « A », celles du point « B » et l'ordre de tracer une droite entre A et B. L'image vectorielle, très utilisée dans les premiers outils de CAO et les premiers simulateurs   de vol, est encore employée dans certains logiciels graphiques tel qu'Adobe Illustrator, ou pour la visualisation de certains modèles numériques dans des outils de design ou d'animation.

 

 3. Images de synthèse : technologies

On distingue les images obtenues à l'aide de capteurs (caméra ou scanner), stockées dans une mémoire informatique, des images de synthèse ou images artificielles créées directement par l'homme sur ordinateur.

       3.1 Dessiner les images

La manière la plus élémentaire de faire des images est de reproduire les gestes du dessin comme avec un crayon. On utilise généralement la souris de l'ordinateur ou une tablette graphique.

D'autres interfaces homme machine peuvent également être employés clavier comme les boules de contrôle, gants de données, capteurs de position, lasers de saisie tridimensionnelle, etc.

Des logiciels graphiques sont dédiés à chaque type d'application  : CAO, design industriel, animation, réalité virtuelle, etc.

Les images dessinées s'affichent instantanément sur l'écran.

Des ajustements automatiques permettent de rendre le dessin plus précis comme rendre un trait rectiligne ou deux lignes parfaitement orthogonales, par exemple.

Un menu réunissant des outils graphiques permet de changer l'épaisseur du trait, la forme d'une courbe, la couleur de remplissage, d'effacer, etc.

Dans les métiers du graphique, du design et de la publicité, on utilise des logiciels de palette graphique pour la création de visuels promotionnels ou de packagings.

Les métiers du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia utilisent également largement ce type d'outils pour les trucages et les effets.

On peut également rentrer dans la machine les données géométriques et graphiques (formes, couleurs, textures et effets de lumières).

C'est le principe adopté pour les logiciels de CAO dans les années 1960 à 1980, puis par la suite pour les outils infographiques de design industriel, d'animation et de réalité virtuelle.

       3.2   Images 2D

Le dessin traditionnel nous a appris à représenter la profondeur de l'espace et des objets grâce aux lois de la perspective. Mais le dessin à plat n'est pas une preuve absolue du relief représenté.

Le peintre hollandais Escher, maître du trompe-l'oeil a montré qu'on pouvait, par simple artifice pictural, abuser volontairement notre perception de l'espace en simulant des perspectives impossibles, tel un escalier qui descend perpétuellement.

En réalité chaque point d'un dessin ne peut être décrit que par un couple de coordonnées cartésiennes à deux dimensions, abscisses et ordonnées. C'est le concept de 2D.

       3.3 Images 3D

Mais l'informatique rend possible de définir chaque point de l'image par trois données cartésiennes en rajoutant une valeur de profondeur. C'est le principe de la 3D, pour trois dimensions.

Le dessin est alors un volume caractérisé par des vecteurs qui relient des sommets entre eux. On peut ainsi concevoir des maquettes d'objets virtuels en 3D.

Les premières images de synthèse 3D réalisées, comme celle du Sketchpad d'Ivan Sutherland (voir plus loin) ressemblaient à des assemblages de fils rigides, dites "fil de fer" ou wireframe .

       3.4 Interaction

Outre leur dessin, il est possible d'interagir directement avec ces objets 3D via une interface (souris, clavier, etc...) : addition ou suppression d'un élément, déplacements et rotations de l'objet dans les trois coordonnées de l'espace, grossissements et réductions, changements de focales, etc.

L'ordinateur recalcule et affiche sur l'écran tout nouvel angle de vision et toute nouvelle modification géométrique.

       3.5 Apports réalistes

En quelques années, la puissance de calcul des ordinateurs aidant, les logiciels 3D se sont enrichis d'un grand nombre de fonctions destinées notamment à donner un réalisme accru aux maquettes numériques.

On va mettre au point des algorithmes pour l'élimination de parties cachées d'un objet volumique, l'exploration sous plusieurs perspectives, pour réaliser des coupes intérieures, créer des sources lumineuses, des ombres portées, des textures, de réflexions et de transparence.

       3.6 Comportements de la lumière

Plusieurs techniques de comportement de la lumière vont également accroître le réalisme.

Des algorithmes d'estompage (ombrage ou shading) simulent la manière dont la lumière est plus ou moins absorbée par des surfaces : le Gouraud Shading en 1971 et, plus fin, le Phong Shading, en 1975.

Alors qu'on avait jusqu'ici visualisé des objets en 3D sous la forme de polygones, la Théière (Teapot), sera le premier objet complexe 3D un rendu image surfacique.

Ce travail est réalisé   fin 1974-début 1975 à l'Université d'Utah (voir plus loin) : la théière a été modélisée par Martin Newell et le rendu surfacique par Jim Blinn sur un écran Tektronix relié à un ordinateur   DEC PDP-10.

En 1980, Turner Whitted propose un algorithme qui permet de calculer le parcours emprunté par la lumière pour se réfléchir sur les différents objets d'une scène : le lancer de rayon ou « Ray Tracing ».

Une autre amélioration permet de simuler la manière dont la lumière se diffuse à partir de surfaces mattes avec la radiosité.

En 1977, Frank Crow développe l'algorithme d'antialiassage (ou antialiassing) qui permet d'éliminer sur écran les effets de marches d'escalier entre deux surfaces discontinues.

       3.7 Fractals

En 1975, le français Benoît Mandelbrot, travaillant chez IBM aux Etats-Unis, met au point une méthode mathématique, dite des objets "fractals", qui permet de créer des formes abstraites ou "ensembles".

Les ensembles fractals permettent également de simuler avec réalisme des formes naturelles complexes telles que le feuillage des arbres, les nuages dans le ciel ou le relief d'une montagne.

       3.8 Animation

De la même manière qu'on modélise des objets, il est possible de programmer leur trajectoire d'animation.

Les développements des d'animation ont permis de faire d'énormes progrès dans le réalisme, notamment dans l'animation de personnages.

 4. Avant le numérique : du tube cathodique à la télévision

Rappelons maintenant quelques étapes fondamentales qui ont précédé un demi-siècle avant l'arrivée des images par ordinateur.

       4.1 Avant la télévision

L'oscillographe de Karl Ferdinand Braun en 1897, ou tube de Braun, est le premier tube à bombardement d'électrons qui permet d'illuminer la surface fluorescente d'un écran, ancêtre des tubes cathodiques.

La télévision est considérée généralement comme une invention procédant par étapes :

- Le pantélégraphe de Giovano Caselli en 1860, qui permet de transmettre des images fixes à distance.  

- Le disque à balayage de Paul Nipkow en 1884 est une machine qui permet également de transmettre des images.

       4.2 Premières télévisions

L'invention en 1923 de l'iconoscope par Vladimir Kosma Zworykin, un Américain d'origine russe est une phase décisive, car cette machine est en quelque sorte la première à transformer une image optique en un signal électronique.

- Le même Zworykin met au point en 1929 le cinéscope, un tube cathodique de réception, précurseur des postes de télévision : le faisceau d'électrons balaye la surface de l'écran, ligne par ligne, reformant l'image initiale obtenue par la caméra selon un procédé inverse.

- À partir de 1933, l'invention de Zworykin est mise à profit pour des émissions expérimentales réalisées à New York par la RCA et la NBC.

- Dès 1936, le Japonais Kenjiro Takayanagi qui travaille depuis plusieurs années dans ce domaine met au point un système de télévision à 441 lignes entièrement électronique.

Et enfin dans le domaine militaire, on exploite la technologie du tube cathodique pour les radars pendant les années 1930 et surtout les 1940, notamment pendant la seconde guerre mondiale.

C'est à la même époque que sont mis au point les premiers calculateurs automatiques, qu'on appellera plus tard ordinateurs.

 5. Premières images par ordinateur

       5.1 Racines de l'image numérique

Il est intéressant de noter que la genèse de l'image numérique apparaît dans les années 1950 presque simultanément dans le cadre de plusieurs domaines :

•  militaire, avec les premiers systèmes de surveillance du ciel,  

•  industriel, avec l'arrivée de l'aide à la conception par ordinateur dans le domaine automobile,

•  militaro-industriel avec les simulateurs de vol,

•  artistique avec le film d'animation expérimental.

       5.2 Premières réalisations : Whirlwind et SAGE

L'idée d'associer un tube cathodique à un ordinateur remonte aux années 1950-51 dans le cadre du projet « Whirlwind », un dispositif mis au point au Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour la surveillance du ciel.

Les données radar de la trajectoire d'un avion ou d'une fusée sont traitées en temps réel et affichées sur un écran cathodique. Avec le Whirlwind, c'est la première fois que des données numériques sont converties automatiquement en un graphique dynamique dont la forme correspond à un événement réel.

Un ensemble plus complet de surveillance aérienne à base d'ordinateurs Whirlwind appelé "Sage" ( Semi-automatic Ground Environment ) devient opérationnel aux Etats-Unis à partir de 1958.

       5.3 Outils d'aide à la conception industrielle

Mais parmi les travaux du MIT, d'autres voies de recherche ont été explorées notamment dans l'aide à la conception d'objets ou d'aide au design. Une innovation qui aura bien des conséquences dans le monde industriel.

                5.3.1 Le Sketchpad d'Ivan Sutherland

De 1961 à 1963, Ivan Sutherland, alors jeune programmeur informatique et candidat au Doctorat d'Ingénieur au MIT, prépare une thèse sur un nouvel outil appelé « Sketchpad » : un programme de visualisation tournant sur ordinateur TX-2 destiné à manipuler et à modifier directement l'image sur l'écran à l'aide d'un crayon optique et de boutons pressoirs. Les dessins exécutés sur ordinateur peuvent être stockés dans la mémoire de l'ordinateur sous forme de bases de données graphiques.

                5.3.2 General Motors et le DAC-I

De son côté General Motors travaille depuis 1959 sur un projet analogue intitulé DAC-I ( Design Augmented by Computers ), premier dispositif informatique interactif destiné à l'étude de prototypes automobiles qui offre la possibilité de modifier la taille et la forme des surfaces dessinées ou de faire pivoter les figures.

En 1964, le DAC-I est présenté lors de la Joint Computer Conference, un an après le Sketchpad de Sutherland. Avec le Sketchpad et le DAC-I, l'image numérique montre ainsi ses premières possibilités d'interactivité.

A cette époque, plusieurs secteurs de l'industrie, principalement l'aéronautique et l'automobile, vont commencer à développer des techniques de dessin assisté par ordinateur (DAO) et de conception assistés par ordinateur (CAO) pour répondre aux exigences de fabrication de certaines pièces de carrosseries par des machines outils à commande numérique.

                5.3.3 Débuts de la CAO en France

En France, à partir de 1958-60, des ingénieurs travaillant dans l'industrie automobile comme Paul de Casteljau chez Citroën ou Pierre Bézier à la Régie Renault vont progressivement faire entrer la "CAO" dans les bureaux d'études.

Unisurf, premier prototype de logiciel de CAO développé par Pierre Bézier (1910-1999) pour l'usinage des carrosseries, entre en fonction en 1968 chez Renault. Bézier reste aussi célèbre dans l'histoire de l'infographie pour avoir donné son nom aux premiers algorithmes de fabrications de courbes à partir de points.

Le couplage direct de la CAO avec une infrastructure de production (machine outil, automatisme, robot,...) conduit par la suite au principe de la CFAO (Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur) dont la mise en oeuvre industrielle devient opérationnelle à partir des années 1970.

                5.3.4 Généralisation de la CAO et CFAO

Les premiers systèmes clés en main développés par la société américaine Computervision commencent à être commercialisés, et le jeune marché de la CAO connaît un essor considérable à partir des années 1980.

Ordinateurs, terminaux graphiques et logiciels prennent place dans les bureaux d'études et les ateliers de fabrication en automobile, aéronautique, mécanique, électronique et génie civil. En France des sociétés comme Dassault Systèmes et Matra Datavision se spécialisent dans le développement de la CAO/CFAO avec leurs logiciels respectifs Catia et Euclid-IS.

                5.3.5 Maquette numérique et Usine virtuelle

La CAO et la CFAO se sont considérablement développées en quelques décennies introduisant l'outil de « maquette numérique » qui permet de gérer le modèle de la totalité des centaines ou des milliers d'éléments d'un objet complexe (moteur, automobile, avion).

Une évolution qui est bientôt suivie de la modélisation en 3D de l'ensemble des éléments d'une chaîne de fabrication qui, couplée à la simulation, va aboutir au concept d'usine numérique ou « usine virtuelle ».

       5.4 Simulation de vol

De leur côté, les militaires s'intéressent de près aux possibilités de l'image numérique, notamment dans le cadre de l'entraînement des pilotes d'avions de chasse, avec la mise au point de simulateurs de vol.   

                5.4.1 Principe du simulateur

L'utilisation des simulateurs de vol remonte aux débuts de l'aviation. Les techniques ont évolué, utilisant tour à tour de vrais films projetés sur un écran face au pilote, puis des caméras vidéo téléguidées à travers des maquettes réelles reproduisant le paysage à survoler.

L'informatique arrivant au milieu des années 1950, les premiers simulateurs numériques vont faire leur apparition.

Le principe d'un simulateur de vol moderne est le suivant : assis dans un pseudo-cockpit, le pilote a face à lui un visuel de simulation.

Ce visuel est en fait constitué d'un ou plusieurs écrans vidéo où s'affiche en images de synthèse le modèle du paysage à survoler : plaines, collines, montagnes, fleuves ; avec des détails particuliers tels que forêts, routes, voies de chemins de fer, usines et immeubles.

Ces images sont construites en temps réel à partir de données numériques stockées dans la mémoire d'un puissant ordinateur.

Le pilote à l'entraînement, comme s'il était dans un avion réel, dispose des commandes de bord qui lui permettent d'agir sur les paramètres de vol tels que vitesse, incidence, roulis, etc,

Ses gestes et ordres sont convertis en données numériques.

Recueillies par l'ordinateur, ces données, sensées modifier la position de l'appareil, servent à recalculer et à afficher en temps réel les images du paysage correspondant au nouveau champ de vision du pilote.   

De cette manière, les réflexes et comportements des pilotes sont mis à l'épreuve dans les opérations de routine, les manoeuvres difficiles et les situations d'urgence. En outre le pilote peut répéter autant de fois qu'il faut ces protocoles afin d'acquérir la maîtrise et les réflexes indispensables avant de piloter un avion réel.

                5.4.2   Premiers simulateurs numériques

En 1958, la General Electric Company (GE) construit le premier simulateur de vol utilisant des images générées par ordinateur dans le cadre du programme JANIP (Joint Army Navy Instrumentation Programme).

Dès 1962, la NASA passe un contrat avec GE qui lui fournit un premier simulateur destiné à l'entraînement des astronautes pour préparer leurs missions dans l'espace et sur la Lune.

De 1966 à 1968, Peter Kamnitzer, chef du Urban Lab à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), va employer ce simulateur pour recréer une ville imaginaire dans laquelle il peut marcher, prendre des ascenseurs en verre, conduire une voiture ou voler en hélicoptère.

En 1968, le projet UCLA/NASA/GE fait l'objet d'un film documentaire, Cityscape , qui montre la première utilisation d'un simulateur pour l'exploration virtuelle d'une maquette numérique de ville.

                5.4.3   Vital II de McDonnell Douglas

Le premier simulateur commercial à images de synthèse vectorielles est proposé par McDonnell Douglas entre 1971 et 1973 pour l'aviation civile.

Appelé « Vital II », ce simulateur reçoit l'agrément de l'US Federal Aviation Administration (FAA) en 1972, et sera utilisé par la Pacific Southwest Airlines de San Diego en Californie pour l'entraînement de ses pilotes.

Conçues pour visualiser uniquement des scènes nocturnes, celles-ci s'affichent sous forme de points lumineux sur un écran à tube cathodique.

                5.4.4   Pancake Window : la sensation d'immersion

L'US Air Force Advanced Simulator for Pilot Training (ASPT) expérimente dès 1974 un simulateur multicanaux, connu sous le nom de « Pancake Window ».

Dans son cockpit, le pilote à l'entraînement est entouré par une mosaïque de douze facettes pentagonales jointives qui comportent sept tubes cathodiques de 91 cm de diamètre, chacun étant vu à travers un ensemble d'optiques spéciales.

Ce dispositif de vision sans discontinuité d'un écran à l'autre procure une sensation d'immersion proche de celle du pilote lorsqu'il est réellement embarqué sur un avion.

                5.4.5   Université d'Utah à Salt Lake à City

Le succès des simulateurs va venir de l'une des premières start-up ayant misé sur les progrès de l'informatique et fondée par deux universitaires.

Le premier, David Evans a commencé sa carrière dans les ordinateurs en 1950 chez Bendix avant de devenir le fondateur du département de Computer Science de l'Université d'Utah à Salt Lake City.

Le second, Ivan Sutherland, inventeur du Sktechpad au MIT, devient professeur à Harvard (Cambridge) avant de rejoindre David Evans à l'Université d'Utah à Salt Lake City.  

Tous deux enseigneront dans ce qui va devenir dans les années 1960-1970 l'un des creusets où seront formés quelques uns des grands noms de l'infographie :

Jim Blinn (Jet Propulsion Lab)

Ed Catmull (Pixar)

Lance Williams (Apple)

Jim Clark (Silicon Graphcs et Netscape)

Martin Newell (l'inventeur du « Teapot »)

Bui Tui Phong (inventeur du « Phong Shading»)

Alan Kay (Xerox Parc)

John Warnock (Adobe)

Henry Fuchs (University of North Carolina, dpt of Computer Science)

                5.4.6   Evans et Sutherland

En 1968 la société Evans & Sutherland (E&S) est créée à Salt Lake City par les deux professeurs avec comme objectif de valoriser industriellement les avancées de la recherche en infographie.

Et en 1973, Evans & Sutherland passe un accord avec le Rediffusion Simulation Limited (RSL), une société britannique qui détenait alors environ 50% du marché des simulateurs.

Rediffusion fabrique les cabines qui seront équipées par les visuels d'affichage Novoview d'Evans & Sutherland.

Le premier exemplaire sera livré à la compagnie aérienne néerlandaise KLM.

                5.4.7 Généralisation des simulateurs

Ce marché naissant de l'image de synthèse temps réel va propulser Evans & Sutherland comme l'une des entreprises pionnières dans ce domaine.

Par la suite, des sociétés comme General Electric, Singer Link et CAE Electronics en Amérique du Nord, Hitachi au Japon, Thomson-CSF ainsi que Sogitec (filiale de Dassault Aviation) en France proposeront à leur tour des simulateurs de vol.

Aujourd'hui, nom seulement les militaires, mais la quasi-totalité des compagnies aériennes disposent de ces équipements pour entraîner leurs pilotes.

Jadis domaine réservé de l'air et de l'espace, les simulateurs ont gagné peu à peu l'apprentissage et l'entraînement pour d'autres appareils : chars, bateaux, véhicules terrestres civils.

Puis les techniques de simulation ont évolué pour devenir des systèmes où les facultés sensorielles l'homme sont impliqués directement par des stimulis générés au plus près de son corps, avec les équipements de réalité virtuelle.

                5.4.8 Réalité virtuelle et simulateurs personnels

La réalité virtuelle est un ensemble de techniques informatiques qui permettent à l'homme de communiquer intimement et de façon interactive avec des univers iconiques, et parfois acoustiques, récréés sur ordinateur.

Des interfaces homme-machines telles que le gant numérique ou le casque de visualisation munis de capteurs donnent le sentiment au sujet humain d'être immergé à l'intérieur même de ces mondes artificiels (ou virtuels).

En outre, le sujet peut interagir directement en se "déplaçant" lui-même à l'intérieur de ces espaces virtuels ou bien en déplaçant ou en modifiant les éléments qui les composent.

Cette technique a été développée au milieu des années 1980 à la NASA par Scott Fisher et par Jaron Lanier, fondateur de la société VPL. La réalité virtuelle permet de faire vivre au sujet une situation sur laquelle il a un pouvoir d'action, sans que cependant cette situation soit réelle, d'où l'appellation "réalité virtuelle".

Plusieurs interlocuteurs distants peuvent être provisoirement réunis dans ces environnements et établir une communication télévirtuelle.

Nés de la recherche informatique, militaire et spatiale, des simulateurs personnels font aujourd'hui l'objet de multiples développements pour des applications en design, architecture, chimie, médecine, robotique, physique, économie, éducation, loisirs, aide aux handicapés.

Modifiant fondamentalement la relation de l'homme avec l'image à travers des fonctions comme l'immersion, l'interactivité ou la télévirtualité, la réalité virtuelle ouvre de nouvelles perspectives expérimentales dans la relation au savoir : simulation, formation, réunion de partenaires distants à des fins heuristiques, cognitives ou ludiques.

       5.5 Film d'animation expérimental

L'art et la création expérimentale d'images animées a été le troisième moteur à l'origine de la création des images de synthèse.

                5.5.1 John Whitney : de l'analogique au numérique

Artiste américain (1917-1993) John Whitney Senior, est considéré par l' historien du Californian Institute of the Arts et expert en animation William Moritz (2) (1941-2004) "comme le pionnier absolu en matière de graphisme par ordinateur".

Dès les années 1940, avec son frère James, ils commencent des travaux sur la fabrication automatique d'images en construisant des systèmes graphiques à base de pendules avec lesquels ils réalisent la série de Film Exercices (1943-1944).

Puis au début des années 1960, ils adaptent un appareil de visée pour radar de tir (le M7) ayant servi pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Avec cet ordinateur primitif analogique qui permet de contrôler le mouvement, John Whitney va transformer des calculs en équivalents graphiques.

                5.5.2 Vertigo et 2001, Odyssée de l'espace

Whitney travaille à cette époque avec Saul Bass, le célèbre auteur de génériques. Il lui fournit des images pour des génériques de programmes commerciaux destinés à la télévision, comme celui des automobiles Chrysler.

En 1958, Whitney compose pour Saul Bass les rosaces du générique de Sueurs Froides (Vertigo). Saul Bass saura mettre en valeur les motifs géométriques de John Whitney en les associant à l'atmosphère inquiétante du chef-d'oeuvre d'Alfred Hitchcock.

Whitney poursuit son travail expérimental et réunit plusieurs de ses courts-métrages dans un oeuvre réalisée avec le M7. Le film complet s'appelle Catalog et est enregistrée sur pellicule en 1961.

On y découvre notamment le premier essai de "slit-scan", un procédé de visualisation automatique que Douglas Trumbull (alors assistant de Whitney) utilisera quelques années plus tard pour les effets spéciaux de la séquence d'hallucination, dite « Stargate », dans le film 2001, L'Odyssée de l'Espace (Stanley Kubrick, 1968).

                5.5.3 Premières animations numériques

À la même époque Edward Zajac des Bell Labs réalise le premier film entièrement sur ordinateur, Simulation of a Two-Gyro, Gravity-Gradient Attitude Control System , travail expérimental réalisé à partir d'un IBM 7094.

John Whitney Sr, il devient à partir de 1966 le premier des "artistes résidents" chez IBM. Il y poursuit son travail de langage visuel en utilisant les ordinateurs modernes de l'époque et réalise des films tels que Permutations  (1967), Hommage to Rameau  (1967), Osaka 1-2-3  (1970), ou Arabesques  (1975) avec son assistant Larry Cuba, devenu à son tour réalisateur dans ce domaine.

Whitney Sr continue jusqu'à la fin de sa vie à réaliser des compositions d'images et de musique sur son propre ordinateur. Ses oeuvres les plus récentes sont Spirals (1987) et Moon Drums (1991).

                5.5.4 Autres pionniers

En avance d'au moins un quart de siècle sur son époque, John Whitney Sr n'est pas complètement isolé dans son travail de pionnier. Pendant les années 1960-1970, d'autres artistes et ingénieurs se font remarquer comme Ben Laposky, Lillian Schwartz, Kenneth Knowlton, Herbert Franke, Ed Emshwiller, Peter Foldes, Charles Csuri ou John Stehura.

La décennie 1980 voit aussi de nouveaux talents s'exprimer dans un mode de création jusque-là totalement inédit : Rebecca Allen, Tom Brigham (morphing), Craig Reynolds (animation de foules), Matt Elson, Michæl Girard (modélisation des gestes naturels), Jeff Kleiser (animation de personnages par capture de mouvements) Ned Green, William Latham (biomorphologie des images), Alan Norton (objets mathématiques), Sabine Porada (imaginaires d'architecture), Karl Sims (génération génétique des images), le japonais Yoichiro Kawaguchi (Metaballs) ou les suisses Daniel et Nadia Thalmann (modélisation des comportements humains).

La France a également ses pionniers : Hervé Huitric, Monique Nahas, Michel Bret (auteur du logiciel Anyflo), Jean-François Colonna (objets fractals), Sabine Porada, Edmond Couchot, Marie-Hélène Tramus ...

La plupart de ces artistes ont développé par eux-mêmes les outils logiciels qui leur ont permis de fabriquer leurs images.

 

2. William Moritz, historien du Californian Institute of the Arts. Technologies et Imaginaires. Art Cinéma. Art Vidéo. Art Ordinateur .   Dis Voir. Paris,1990, p 154.

 6. Cinéma, audiovisuel et création numérique

       6.1 Walt Disney et Tron

En 1981 Walt Disney se lance dans le projet du film Tron   que réalise Steven Lisberger et dans lequel il est prévu d'inclure, pour la première fois dans un long-métrage, de longues séquences en images de synthèse 3D.

Disney fait appel pour ces séquences à plusieurs sociétés pionnières travaillant alors avec des ordinateurs : MAGI, Triple-I, Robert Abel & Associates et Digital Effects (fondé à New York par Jeff Kleiser).  

                6.1.1 MAGI

MAGI (Mathematical Applications Group, Inc) est une société informatique, fondée en 1966 par Phillip Mittelman à Elmsford (New York) pour étudier les phénomènes d'exposition au rayonnement nucléaire.

Ses ingénieurs ont développé un logiciel, appelé SynthaVision, permettant de tracer des rayons de lumière simulant les radiations, réalisant ainsi l'un des premiers systèmes de génération d'images par ordinateur.

Ce système, très robuste, comprenait un modeleur et un outil de lancer de rayon (ray tracing) pouvant générer des images de haute qualité.

L'activité graphique de MAGI, appelée Magi/SynthaVision a été initiée en 1972 par Robert Goldstein. Puis Larry Elin a fondé le Département Animation par ordinateur de 1977 à 1980, dont l'équipe s'est enrichie de Chris Wedge, animateur et artiste (futur co-fondateur des Studios Blue Sky en 1987).

Sur le film Tron , MAGI a eu la responsabilité de la majorité des 15 minutes d'animation 3D dont la fameuse course de « Lightcycles », sortes de motos qui se déplacent à grande vitesse dans un paysage de lignes géométriques.

En 1984, MAGI ouvre un bureau à Los Angeles afin d'être plus près des studios   et Mittelman engage pour s'en occuper Richard Taylor, un ex de Triple-I qui avait supervisé les effets visuels de Tron .

Un essai est réalisé pour Disney, supervisé par John Lasseter   alors débutant chez Disney avant d'être l'un des fondateurs de Pixar.

Dans cet essai, qui a gardé le titre de Where the Wild Things Are , MAGI utilise des scènes 3D, un dispositif de contrôle de caméra et des personnages 2D.

Mais MAGI est finalement revendu à la société canadienne Bidmax, et ses employés dispersés dans d'autres firmes ou universités.

                6.1.2 Robert Abel & Associates

Robert Abel & Associates a été fondé en 1971 par Robert « Bob » Abel (1937-2001) et Con Pederson qui avait travaillé chez Disney et co-supervisé les effets visuels sur le film de Kubrick 2001, Odyssée de l'espace (1968) avec Douglas Trumbull.

Auparavant, Bob Abel avait travaillé avec Whitney lorsque ce dernier   préparait ses images pour les génériques de Saul Bass.

Il avait par la suite rejoint Con Pederson sur le tournage de 2001... pour l'aider à adapter la caméra utilisée pour les effets visuels.

Mais Robert Abel & Associates assoit sa réputation en fabriquant des effets visuels principalement à destination de films publicitaires pour la télévision : clips Seven up , habillages graphiques pour des chaînes TV comme ABC.

À la fin des années 1970, les studios de cinéma commencent à s'intéresser à son travail : la Paramount lui commande des maquettes pour Star Trek: le film, de Robert Wise.

Mais après un an de travail, Paramount, peu satisfaite des résultats, préfère confier à Douglas Trumbull la quasi-totalité du travail des effets visuels.

En novembre 1976, John Hugues (futur fondateur des Studios Rhythm and Hues) est engagé par Bob Abel et se charge du système de contrôle de la caméra par ordinateur : un dispositif assez complexe à six degrés de liberté qui permet la prise de vue automatisée d'effets lumineux directement sur pellicule.

Le système sur lequel John Hugues est très similaire au "Slit Scan" mis au point par John Whitney Sr (dont le principe a été repris par Doug Trumbull dans 2001 ).

Bob Abel et Con Pederson avaient eux aussi travaillé avec Whitney.

La programmation du contrôle de la caméra se fait sur un microprocesseur Motorola à l'aide une bande de papier perforée.

Le microprocesseur décode ces informations pour transmettre les instructions de mouvements de la caméra, les calculs étant exécutés sur un ordinateur Red Core.

Un peu plus tard Abel investit dans un DEC PDP 11-03 de Digital Equipment et ensuite dans un PDP 11-60, avant de passer sur de plus grosses machines.

Abel s'est également équipé d'un système d'affichage graphique vectoriel PS2 d'Evans & Sutherland qui permet de prévisualiser sur écran ce que le système de motion control va faire.

Cela dessinait des lignes. En plaçant les lignes les unes à côté des autres on pouvait former une surface solide.

En utilisant des filtres de couleurs on pouvait colorer ces surfaces. C'est ainsi que, sur une machine vectorielle, Bob Abel et son équipe ont commencé à faire les premières images infographiques.

À partir des années 80, Abel constate que les systèmes raster (à balayage de trame) sont plus flexibles et offraient de meilleures capacités de contrôle que l'affichage vectoriel.

Abel et son équipe ont alors écrit des logiciels adaptés à l'affichage raster : un modeleur, un outil destiné aux déplacements des caméras et à l'animation des objets et un logiciel de rendu. Ainsi qu'un module de compositing, mais assez primitif.

Ce logiciel sera par la suite développé par la société Wavefront Technologies, lorsque Bill Kovacs (l'un de ses fondateurs) va en racheté la licence en 1987.

Dans Tron , Robert Abel & Associates a réalisé seulement la séquence en graphique vectoriel de l'entrée dans la ville.

Aujourd'hui Abel reste connu pour le le clip Brilliance (plus connu sous le nom de Sexy Robot ) réalisé par Randy Roberts. On lui doit également la séquence d'ouverture de la série télévisée Amazing Stories produite par Spielberg.

En 1986, Robert Abel et Digital Productions ont été revendues à la firme canadienne Omnibus.

Au début et jusqu'au milieu des années 80, Robert Abel a fait partie d'un trio de tête avec Pixar et Digital Productions.

PDI, fondé en 1980 par Carl Rosendhal est devenu par la suite un autre acteur important de ce marché.

                6.1.3 Digital Productions et Whitney Demos Productions

Le fils de John Whitney, John Whitney Junior (né en 1946) et son frère Michael (1947) font leurs premières armes sur le système analogique de leur père, le premier en réalisant Terminal Self   (7 mn), et le deuxième avec Yin Hsien (1975, 8 mn).

John Jr poursuit le travail de pionnier de son père : après un court passage dans la société Pictures Design Group où il rencontre Gary Demos, avec qui il rentre chez Triple-I et où ils restent de 1974 à 1981.

Tandis que chez Triple-I, on commence à travailler sur le long-métrage Tron , Demos et John Jr fondent en 1981 leur propre société, Digital Productions (DP).

Les deux associés prennent le risque d'investir 12 millions de dollars dans un super ordinateur, le Cray X-MP, avec pour finalité de faire de l'image de synthèse une véritable activité commerciale.

DP réalise ainsi quelques effets spéciaux pour le cinéma comme dans Starfighter ( The Last Starfighter , 1984, Nick Castle) ou 2010, l'année du premier contact ( 2010 , 1984, Peter Hyams) dans lequel il fallait simuler la surface de Jupiter.  

DP produit également le clip musical de Mick Jagger Hard Woman (1985) dont les images de synthèse 3D sont réalisées par Bill Kroyer.

Mais Digital Productions ne parvient pas à survivre économiquement.

Après son rachat par la société canadienne Omnibus (qui disparait à son tour), John Junior et Gary lancent en 1987 Whitney Demos Productions en investissant dans un ordinateur de Thinking Machine sans grand succès.

       6.2 Studios d'animation 3D

Parmi les compagnies qui se créent au début des années 1980, deux d'entre elles vont connaître une progression extraordinaire pendant plus de deux décennies : Pixar, qui appartient aujourd'hui à Steve Jobs, et PDI, absorbée par DreamWorks.

                6.2.1 Pixar, partenaire de Disney

LucasFilm, société fondée par George Lucas en 1975, s'est doté d'un département informatique que vont diriger notamment trois hommes :   Ed Catmull (vice-president), Alvy Ray Smith (directeur de la recherche infographique), et John Lasseter , animateur formé au California Institute of Arts et qui a passé cinq ans chez Disney, avant de rejoindre LucasFilm.

En 1983, cette division est réorganisée sous le nom de Pixar dirigé par Ed Catmull et Alvy Ray Smith, avec comme objectif de développer des solutions matérielles et logicielles pour produire des films d'animation 3D.

John Lasseter réalise en 1984 son premier court-métrage d'animation en 3D, The Adventures of André and the Wally B.

En 1984 toujours, il participe aux effets spéciaux, un chevalier de vitrail en 3D pour Le Secret de la Pyramide (Young Sherlock Homes, 1985) produit par Steven Spielberg et réalisé par Barry Levinson.

En 1986, Steve Jobs (le fondateur d'Apple) rachète Pixar qui va poursuivre une double activité : d'une part, le développement de calculateurs graphiques et dédiés et de logiciels d'animation, dont le plus célèbre sera l'outil de rendu photoréaliste Renderman, et d'autre part la réalisation de films d'animation en 3D.

John Lasseter , le réalisateur vedette, aidé par le développeur informatique William Reeves, va réaliser pendant plusieurs années, une série de courts-métrages de fiction qui resteront des classiques : Luxo Junior (1986), Red's Dream (1987), et en 1988, Tin Toy , qui permet à Lasseter de remporter l'Oscar du meilleur court métrage d'animation.

Lasseter saura combiner la technique infographique, portée à la perfection photoréaliste par les ingénieurs de Pixar, à la qualité du récit et des personnages.

Il poursuit en 1989 Knick Knack , filmé pour une projection en relief, puis, reprenant son personnage de la lampe "Luxo", le triptyque Surprise , Light Heavy et Up Down (1991).

En 1991, Disney passe un accord de production de trois longs-métrages entièrement en 3D un contrat avec Pixar : Toy Story   en 1995,   Les Mille et une Pattes ( A Bug's Life ) en 1998, Toy Story 2 en 1999.

Entre temps, John Lasseter va recevoir un Oscar pour l'ensemble de son oeuvre en 1995.

Un nouveau partenariat entre Disney et Pixar va conduire à la production de nouveaux long-métrages en 3D :   Monsters Inc , (Monster Inc. 2001), Le Monde de Nemo (Finding Nemo, 2002), Le Indestructibles ( The Incredibles, 2003).

                6.2.2   PDI et Dreamworks Animation

Basé à Palo Alto, Pacific Data Images (PDI) a été fondé en 1980 par Carl Rosendahl, un jeune homme de 23 ans diplômé de Standford University.  

L'esprit de PDI était de poursuivre la recherche et l'innovation, notamment en développant ses propres outils logiciels 3D, tout en ouvrant ses studios de création aux animateurs qui voulaient faire leurs armes sur la 3D.

Plusieurs créateurs vont ainsi réaliser leur propre court-métrage : Opera Industrial, Chromosaurus (1986), Cosmic Zoom, Burning Love (1988), Locomotion (1989), Gas Planet (1992), Sleepy Guy ou encore Bric-a-Brac (1994).

Cette vitrine de créativité dans la 3D va ouvrir à PDI les deux marchés alors en pleine émergence : les clips publicitaires d'un côté, et les effets spéciaux cinéma de l'autre.

PDI participe à de nombreux longs-métrages avant et après son rapprochement avec DreamWorks (voir plus loin) :   Solar Crisis (film de science fiction avec Charlton Heston non sorti en France), Toys , Terminator 2 et True Lies de James Cameron, Batman Forever , L'Effaceur (Eraser), The Arrival, Broken Arrow , Batman & Robin ou encore Le Pacificateur (The Pacemaker) avec George Clooney.

PDI s'intéresse également aux technologies d'animation temps réel. En 1988, pour sa série TV The Jim Henson Hour , le célèbre marionnettiste américain fait appel à PDI pour son concept de "Waldo C. Graphics" dont la technologie était dérivée du fameux Dataglove, ou gant de données, de la société de réalité virtuelle VPL.

Des personnages en 3D sont manipulés grâce un dispositif électro-mécanique articulé à huit degrés de liberté, le "Waldo", conçu par Kirk Thatcher de PDI.

Écrit par le développeur Lance Williams, un programme permet de gérer le système d'animation temps réel sur station Silicon Graphics Iris 4D.

Le marionnettiste aux commandes du Waldo contrôle alors directement sur écran les mouvements de sa marionnette en 3D « fil de fer », le rendu final étant calculé par la suite.

Puis celui-ci est incrusté en vidéo au décor et aux personnages physiques : acteurs ou marionnettes réelles.

En 1996, les studios DreamWorks Studios SKG, fondés en 1994 par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen, entrent à 40% dans le capital de PDI qui emploie alors 140 personnes.

On démarre le projet FourmiZ (AntZ), réalisé par Eric Darnell et Tim Johnson, pour lequel Carl Rosendahl est producteur exécutif. Ce premier long-métrage en 3D, que co-produit DreamWorks, sort sur les écrans en 1998, la même année que Mille et Une pattes ( A Bug's Life ) par Pixar.

En 2000, Carl Rosendahl le pionnier vend le reste de ses parts à DreamWorks et PDI devient une entité de la branche DreamWorks Animation.

Après FourmiZ , PDI/DreamWorks enchaîne sur Shrek , d'Andrew Adamson et Vicky Jenson, qui sort au printemps 2001.

Jouant à fond sur la parodie et l'ironie, les auteurs de Shrek vont séduire un public plus adulte, élargissant leur marché, et faire appel à de grandes stars d'Hollywood pour prêter leurs voix aux personnages (Mike Myers, Cameron Diaz, Eddie Murphy).

Shrek va connaître un immense succès auprès du public.

En mai 2004, sort Shrek 2 , d'Andrew Adamson, Kelly Asbury et Conrad Vernon, qui figurait encore aujourd'hui à la 3 ème place parmi les films les plus vus de toute l'histoire du cinéma derrière Titanic de James Cameron (1998) et La Guerre des Etoiles de George Lucas (1977).

DreamWorks mise désormais à fond sur l'animation 3D, délaissant la 2D traditionnelle, moins rentable, en produisant trois autres films : Gang de requins (octobre 2004), Madagascar (juin 2005) et Shrek 3 (sorti en 2007).

 

       6.3 Effets spéciaux numériques

                6.3.1 Les Films

Depuis le milieu des années 1980, de nombreux cinéastes ont usé des effets spéciaux numériques avec des films comme :

   Star Trek II, la colère de Khan (Nicholas Meyer, 1982),

   2010 (Peter Hyams, 1984),

   L'Unique (Jérôme Diamant Berger, 1986),

   Willow (Ron Howard, 1988),

   Abyss (James Cameron,1989),

   Les Mille et Une Nuits (Philippe de Broca, 1990),

   Terminator 2   Le Jugement Dernier (James Cameron, 1991)

   Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993),

   The Mask (Chuck Russell, 1994),

   Jumanji (Joe Johnston, 1995),

   La Cité des enfants perdus (Marc Caro, Jean-Pierre Jeunet, 1995),

   Twister (Jan de Bont, 1996),

   Small Soldiers (Joe Dante, 1996),

   Alien 4 Résurrection (Jean-Pierre Jeunet, 1997)

   Titanic (James Cameron, 1997 ),

   Batman et Robin (Joel Schumacher, 1997),

   Astérix et Obélix contre César (Claude Zidi, 1999),

   La Guerre des étoiles Episode I La   Menace fantôme (George Lucas, 1999),

   Dinosaure (Eric Leighton, Ralph Zondag, produit par Disney en 2000),

   La Guerre des étoiles Episode II L'attaque des clones (George Lucas, 2002),

   La Guerre des étoiles Episode III La Revanche des Siths (George Lucas, 2005),

   La trilogie Le Seigneur des anneaux (Peter Jackson)

   La série Harry Potter ,

   La Guerre des Mondes (Steven Spielberg, 2005)

   King Kong (Peter Jackson, 2005).

                6.3.2 Les studios

Les effets spéciaux sont devenus une véritable industrie avec des studios qui leur sont entièrement consacrés :

Aux USA

Industrial Light & Magic (ILM), fondé en 1975 par LucasFilm

Digital Domain, fondé en 1993 par Scott Ross (ex de ILM), James Cameron et Stanley Winston

Sony Pictures Imagework, fondé en 1993

Rhythm & Hues fondée en 1987 par John Hugues (ex de Robert Abel & Associates)

Kleiser-Walczak Construction Company (KWCC) fondé en 1987 par Jeff Kleiser (ex fondateur de Digital Effects)

Tippett Studio, fondé en 1984 par Phil Tippett (passé de l'animation stop-motion à l'animation 3D par ordinateur après Jurassic Park en 1993).

En France

Buf Compagnie

McGuff Ligne

La Maison

ExMachina

Medialab

En Grande-Bretagne

Moving Picture Company (voir article sur Londres)

CFC (voir article sur Londres)

Cinesite (voir article sur Londres)

The Mill

Framestore

       6.3 Logiciels d'animation

Depuis deux décennies, un grand nombre de logiciels d'images de synthèse se sont développé et perfectionné même si nombre d'entre eux ont disparus ou bien leur technologie a été intégrée.

Tout d'abord les procédures d'emploi sont simplifiées par une amélioration des interfaces de travail : apparition de la souris, de tablettes à numériser, d'icônes, de menus et de fenêtres, multifenêtrage, ou travail multi-écrans. Cette nouvelle ergonomie rend ces outils plus accessibles aux non spécialistes de l'informatique, lesquels peuvent se consacrer pleinement à leur tâche de création.

Les logiciels s'enrihissent de nouveaux modules et fonctions : placages de textures, rendu photoréaliste, raffinements des éclairages, réflexion de la lumière, effets atmosphériques, animation dynamique ou comportementale des personnages, effets de particules et de foules, mouvements de cheveux, poils et tissus, etc.

Les algorithmes de réalisme servent aussi bien dans le secteur audiovisuel que pour des applications de design et de communication dans le domaine industriel ; par exemple pour présenter un futur projet ou prototype automobile.

Le dessin animé assisté par ordinateur (DAAO) permet de créer des dessins en 2D et de faire le gouachage directement sur écran. En outre, à partir de dessins clés proposés par l'animateur, l'ordinateur assure le calcul et l'affichage de toutes les images intermédiaires pour réaliser les séquences d'animation.

Plusieurs développeurs de logiciels ont ainsi émergé, certains ont disparu), pendant ces deux décennies.  

                6.3.1   Alias Research

Alias est une société canadienne fondée à Toronto en 1983 par   Stephen Bingham, Nigel McGrath, Susan McKenna and David Springer pour créer des outils logiciels destinés à l'animation 3D pour le marché de la publicité et les sociétés de post-production.

Son logiciel, Maya, reste encore aujourd'hui l'un des outils les plus employés dans le monde audiovisuel.

Alias se spécialise également dans les logiciels 3D de design industriel.

Alias qui fusionne avec Wavefront en 1995, est racheté simultanément par le constructeur de stations graphiques américain Silicon Graphics.

En 2005, c'est l'éditeur américain de logiciel de CAO et d'infographie Autodesk qui rachète Alias.

                6.3.2 Wavefront

Wavefront Technologies est créée en 1984 à Santa Barbara (Californie) par Mark Sylvester, Larry Barels and Bill Kovacs (ancien développeur chez Robert Abel & Associates), pour produire des images de synthèse destinées aux marchés de la télévision et du cinéma.

Mais c'est avec ses outils logiciels d'animation 3D et de visualisation scientifique que Wavefront devient l'un des principaux acteurs de ce nouveau marché dans les années 1980-1990.

En 1993, Wavefront rachète la firme française TDI

                6.3.3 Thomson et Sogitec en France

En France, Thomson-CSF et Sogitec (filiale de Dassault)vont vers le milieu des années 1980 valoriser la technologie des images de synthèse dans le domaine des films d'animation 3D.

Elles produisent des courts-métrages expérimentaux dans un premier temps, puis des films publicitaires et des effets spéciaux cinéma : L'Unique de Jérôme Diamant-Berger, Terminus de Pierre-William Glenn.

En 1986, TDI, filiale de Thomson-CSF et de l'Institut National Audiovisuel (INA), est créé pour se consacrer pleinement d'une part au développement d'outils infographiques qui débouchera sur le logiciel d'animation 3D Explore, d'autre part sur la production d'images 3D destinées aux marchés de la télévision, de la publicité et du cinéma.

En 1989, Sogitec décide de revendre son activité de production de films à TDI qui fonde la filiale ExMachina.

En 1993, TDI est racheté par Wavefront qui garde un bureau à Paris.

                6.3.4   Softimage

Softimage, fondé en 1986 à Montréal par le réalisateur québécois Daniel Langlois, est un autre éditeur de solutions destinée à l'animation et à la post-production.

En 1998, Softimage a été racheté par la société Avid, célèbre développeur de solutions de montage.

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