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Jean SEGURA                                                                                    

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14 novembre 2009

Une version de cet article à été publiée dans Broadcast n°209 en juillet 2002.

Digital Domain, la création au service des effets visuels

par Jean SEGURA

Juillet 2002

De True Lies à La Machine à explorer le temps, en passant par Apollo 13, Titanic ou Le 5ème Élément, présentation du premier studio d’effets spéciaux de Los Angeles créé il y a neuf ans par trois vétérans de l’image truquée.

C’est sous l’impulsion de trois professionnels du cinéma, le réalisateur James Cameron (Aliens 2, Abyss, Terminator, True Lies, Titanic) le spécialiste en animatronique Stan Winston (Terminator 2, Jurassic Park, voir Broadcast 191, 11 mars 2002) et l’ex vice-President d’ILM Scott Ross, que Digital Domain (DD) a été créé en 1993 avec le soutien financier d’IBM et de Cox Enterprises. Installé à Venice (Los Angeles), à deux pas de l’Océan Pacifique, DD est aujourd’hui l’un des plus importants studios d’effets spéciaux de Californie : plateaux de tournage, atelier de création de maquette, chaîne complète de création numérique (2D, 3D, composition d’image), etc….

Si le long-métrage est la matière la plus apparente du métier de Digital Domain, son champ d’action s’étend au film publicitaire, vidéos musicales, multimédia et attractions pour parc à thèmes, et plus récemment à la production de films, l'Internet, le broadband et le sans fil. Pour parfaire son activité de prestataire, DD a développé un outil de compositing maison, baptisé Nuke, récompensé en 2002 par un Academy Award scientifique et technique.

En neuf ans, DD aura travaillé en tant que société leader, ou co-participante, à 35 films (voir encadré). Le point culminant a été atteint en 1997 avec Kundun , Red Corner, Le Pic de Dante, Le Cinquième Élément et surtout Titanic de James Cameron, faisant gonfler le personnel de cette jeune maison à plus de mille personnes. Pour ce film dont la fabrication a fait couler beaucoup d’encre, d’eau… et un navire, DD a fait construire trois maquettes du Titanic, d’échelles différentes. La plus grande, en bois et autres matériaux légers, située à Rosarito au Mexique, avait presque la taille de l’orignal. Près de 150 infographistes ont travaillé à la modélisation d’une mer de synthèse et à celle de passagers numériques animés par la procédure de capture de mouvement. Ajoutons à tout cela toutes les opérations complexes de compositing pour assembler décors et personnages, qu’ils soient réels ou virtuels. Actuellement deux productions sont en cours : Star Trek : Nemesis, dixième épisode de la saga réalisé par Stuart Baird, et Triple X de Rob Cohen, une aventure basée sur les sports extrêmes avec pléthore de cascades.

James Cameron’s Titanic par Ed W. Marsh, photos par Douglas Kirkland. 1998, Editions Boxtree - London

 

Pubs, clips et rides

DD a réalisé aussi des films publicitaires (Commercials) et totalisait l’an dernier 80 spots. L’un des plus étonnants, Mercedes Rhinos, montrait pour la célèbre marque automobile un troupeau de rhinocéros déferler dans les rues de New York. Ce spot, ainsi que le clip Clydesdales pour Budweiser ont reçu l'un et l'autre le Golden Lion Award au Festival du film publicitaire de Cannes en 1996. Virtual André réalisé pour Nike faisait apparaître un André Agassi en 3D. Digital Domain a aussi reçu plusieurs fois le Clio Award : pour Levi’s Invisible réalisé par Michael Bay, pour Coca Cola Jitterbug, et pour Budweiser Bad Day To Be A Frog.

La firme de Scott Ross a également collaboré sur des vidéos musicales. Dans le clip Love Is Strong des Rolling Stones, dirigé par David Fincher avec le VES Fred Raimondi,  les rock stars anglaises, telles des géants, déambulent dans les rues de Manhattan, dépassant le toit des immeubles. Ce clip a reçu en 1994 le Grammy Award pour la meilleure vidéo musicale. Parmi les autres stars mise en images par DD,  Bjork pour son clip Hunter,  Busta Rymes (avec Janet Jackson), et le groupe Creed (dont le clip est en cours de production). Toujours dans la musique, Ghosts est un court-métrage musical réalisé par Stan Winston bourré d’effets spéciaux avec un Michael Jackson incarnant plusieurs rôles.

DD a également réalisé des films pour les parcs à thèmes :  Terminator 2 3D réalisé en 1996 par James Cameron, John Bruno et Stan Winston, court métrage en relief pour les parcs Universal Studios ;  et StormRider (2001) film de cinéma dynamique (Ride) pour Tokyo DisneySea au Japon. Depuis 1999, Digital Domain a officiellement ouvert un département afin de produire et développer ses propres longs-métrages. Plus d'une douzaine de scénarios sont déjà à différents stades d'avancement.

Enfin DD est également présent dans les médias interactifs. Depuis son lancement en 1996, Barbie Fashion Designer, cédérom coproduit avec Mattel Media et vendu à plus de 1,3 millions d'exemplaires, est devenu l'un des plus gros succès de toute l'histoire du multimédia. Il a été suivi d'un second titre, Barbie Digital MakeoverAlpha Team est un autre CD pour Lego Media International. Enfin depuis 2001, une division Digital Domain Solutions a été constituée sous la direction de Daniel Roth afin de fournir des solutions Internet, broadband et wireless (sans fil) à une clientèle à la recherche de nouvelles filières de communication visuelle.  Un premier projet a été développé pour le géant du jeu Electronic Arts.

Jean SEGURA

Trente cinq glorieuses

Parmi les 35 films pour lesquels Digital Domain a réalisé des effets spéciaux citons True Lies (1994) et Titanic (1997) de James Cameron, Apollo 13 (1995), Le Grinch (2000) et Un homme d'exception (2001) de Ron Howard. Et par année : 1994,  Entretien avec un vampire de Neil Jordan ; 1995, Strange Days de Katherine Bigelow ; 1996, L’Ile du Docteur Moreau de John Frankenheimer ; 1997, Red Corner de John Avnet, Kundun de Martin Scorcese, Le Pic de Dante de Roger Donaldson et Le 5ème Élément de Luc Besson ; 1998, Armageddon de Michæl Bay et Au-delà de nos rêves de Vincent Ward ; 1999, Fight Club  de David Fincher ; 2000, Planète Rouge d’Antony Hoffman, Supernova de Walter Hill, O’ Brother des frères Coen et X-Men de Bryan Singer ;  2001, Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson ; et 2002 La Machine à explorer le temps de Simon Wells.

Titanic et Au-delà de nos rêves sont les deux films pour lesquels DD a remporté des Oscars, tandis que Le 5ème Élément a reçu un prix de la British Academy Bafta pour les meilleurs effets visuels en 1997. Un court-métrage d’animation, Tightrope de Daniel Robichaud, Stéphane Couture et Bernd Angerer (1998), a été primé dans plusieurs festivals dont Imagina en 1999.

J. S.

 

 

Digital Domain : the leading edge of visual effects , par Mark Cotta Waz  & Patricia Rose Duignan, Ed Virgin, 330 p, 1996

 

DD : Combien de Divisions ?

- La Division Commercials s’occupe des films publicitaires

- La Division Music Videos a en charge les clips musicaux pour les artistes et leurs maisons de disques.

- La Division Feature Films , la plus importante, gère tous les effets spéciaux pour le cinéma de long-métrage.

- La Division Location-Based Entertainment (Theme Park Attractions) est chargée de la réalisation d’œuvres pour les parcs à thèmes.

- La Division Feature Film Development,  a pour but la production de longs-métrages.

DD, c'est environ 400 permanents. Mais ce chiffre fluctue en fonction de la taille et du nombre des productions en cours, d’où le recours à des freelances. À l’époque de Titanic, entre 1996 et 1997, le nombre total de personnes dépassait les mille. Mais la moyenne se situe plutôt entre 300 et 400. DD gère en moyenne deux ou trois gros projets par an, plus entre cinq et six plus petits. La direction, les superviseurs et les producteurs, ainsi qu'un studio de tournage de maquettes, sont dans le bâtiment principal situé sur Rose Avenue à Venice. Situé de l'autre côté du parking, le deuxième building héberge tous les artistes 3D. Enfin en traversant la rue on trouve le bâtiment le plus peuplé : compositing, division publicité, atelier de maquettes (model shop) et atelier des machines.

J.S.

Cinefex 72, décembre 1997. Spécial Titanic

Les maîtres du Domain

Scott Ross : président et CEO (chief executive officer). 

Ed Ulbrich :  Senior Vice-President, Directeur général. Divisions Commercials et Music Videos

Nancy Bernstein : Senior Vice-President. Divisions Feature Films et Theme Park Attractions  

Kevin Cooper : Vice-President. Division Feature Film Development.

James Cameron, Stan Winston et Scott Ross : fondateurs et actionnaires principaux.

Les outils

La 3D : Maya d'Alias Wavefront, Houdini de Side Effects,  Lightwave de Newtek.

Le Compositing :  Nuke , logiciel maison. Les améliorations portées sur Nuke 3 ont permis de traiter notamment les problèmes de brillance dans certaines scènes.
Flame, Flint et Inferno de Discreet

Les stations de travail :  SGI et PC, notamment Dec Alpha et Boxx (Windows NT et Linux).

Renderfarm (unité de calcul de rendu) :  700 CPU

Tracking tridimensionnel de caméras : Track, logiciel maison. À partir de quelques informations sur la géométrie d’une scène, le logiciel est capable d’analyser l'image fixe et de déterminer où se trouvait la caméra image par image.

J.S.

Erik Nash remonte le temps

Erik Nash a débuté chez DD en automne 1994 et devient lui-même VES (Visual Effect Supervisor) à partir d'Armageddon en 1998. Entre janvier 2001 et janvier 2002, il a supervisé les effets de La Machine à explorer le temps de Simon Wells (arrière petit-fils de l'auteur du livre H.G. Wells) co-produit par DreamWorks et Warner Bros. 

Sous ma direction, il y a le superviseur effets numériques Jonathan Egstad qui lui-même dirige des superviseurs 3D et un superviseur compositing (2D). Les gens de la 3D dirigent des responsables de tâches spécifiques ou de plans. Et sous leurs ordres il y a des artistes infographistes. Le superviseur de compositing dirige deux ou trois compositeurs en chef, responsables de la consistance et de l'apparence d'une séquence donnée. Tout en ayant leur propre travail, ils sont aussi chargés de vérifier le travail fait par d'autres compositeurs impliqués dans une même séquence.

Au niveau de la production, la plupart de mes échanges se font directement avec le réalisateur et le producteur du film. Dans La Machine… , il y eu un VEP (Visual Effect Producer) et plusieurs prestataires partenaires autour de nous : ILM (Morlocks en numérique), Illusion Arts (Digital Matt Painting des paysages urbains), Cinesite Hollywood (effacement de câbles, retouche de maquillages, quelques effets 3D pour des raccords de décors). James E. Price m'a assisté pour la coordination avec ces partenaires, en vérifiant que tout marchait bien partout et que les délais étaient respectés, etc. Cela me laissait complètement libre pour me concentrer sur le travail à accomplir au sein de DD : 250 plans c’est un travail à plein temps. En tout, le film comprend 400 plans avec des effets visuels numériques. Cela n'inclut ni les effets mécaniques, physiques et pyrotechniques, ni les acteurs en costumes de Morlocks réalisés en animatronique par Stan Winston.

La responsabilité du superviseur consiste à avoir une conception totale des plans. On travaille avec le réalisateur sur le storyboard, pour développer les idées, le style et de quoi seront fait les plans au final. Puis avec les superviseurs 2D et 3D on établit quelles responsabilités ils endosseront mutuellement en fonction des besoins de chacun des plans. Ces superviseurs sont directement impliqués dans les aspects techniques : quels outils et quelles méthodes employer, à qui attribuer telle ou telle tâche ? Le rôle du VES est plus celui d’un créatif. Il va maintenir un lien entre le réalisateur et les gens qui font le travail technique. Au fur et à mesure que le plan progresse et s’approche de son résultat final, le VES se focalise sur les finitions, afin d’être en adéquation avec ce que le réalisateur veut exactement obtenir. C'est un travail itératif au jour le jour. On regarde les plans pendant les dailies (réunions quotidiennes des équipes avec le VES et les autres responsables) et on suggère des changements, exécutables dans la journée. Le jour suivant on regarde ce que ces changements ont donné, et on affine ainsi les plans selon un processus plus ou moins long. Certains plans prennent des mois depuis leur conception jusqu’à leur accomplissement final, d’autres seulement une semaine. Le plus long a duré presque 10 mois, mais la moyenne c’est 4 ou 5 mois.

Propos recueilli par Jean Segura

Judith Crow manage la R&D

Arrivée chez DD au début de 1994 en tant que « digital artist » (infographiste), Judith Crow a travaillé sur Entretien avec un Vampire. Successivement CG Supervisor puis Digital Effects Supervisor, elle occupe aujourd'hui le poste de Creative Director Digital Production and Technology.

J’assure la liaison entre la R&D et les autres départements. Je dois anticiper quel type de technologies nous devons mettre en œuvre pour le travail que nous aurons à faire sur les films. J’ai ainsi sous ma direction plusieurs équipes : le département de développement logiciel (six à huit personnes), le groupe des technical directors (TDs, six à huit), le groupe « Data integration » qui s’occupe de récupérer les informations en provenance de tous les plateaux afin de pouvoir faire les reconstructions numériques. Nous avons aussi quatre VES et un imaging supervisor avec qui je suis constamment en rapport.

Il y a en gros deux sortes de problèmes à traiter. Le premier est lorsque nous avons un problème technique dans le cadre d'un projet à court terme, avec une date de rendu impérative. Avec les TDs, on travaille pour déterminer si l’on peut le résoudre ou non avec les technologies existantes, et le cas échéant en les fabricant nous-mêmes, ou bien en faisant appel au département logiciel pour un simple enrichissement. Par exemple la séquence des "chevaux d’eau" qui galopent dans Le Seigneur des Anneaux a demandé l'élaboration d'une technologie très particulière (pour le rendu brumeux et vaporeux des différentes couches d’eau) : le voxel renderer.

L’autre catégorie concerne le développement sur le long terme. Une grande partie du travail a trait à l’intégration des effets numériques de façon aussi invisible possible avec les plans réels tournés avec les acteurs (live action). Et nous savons que la tendance est que l’on fait de moins en moins d’effets en live action au profit du numérique. Ce qui nous permet d’anticiper sur le travail que l’on veut obtenir.

Propos recueilli par Jean Segura

Un Musée sur la Pop Music

La division Commercials de Digital Domain a produit The Artist’s Journey « Funk Blast » un film de divertissement tourné en 65 mm pour le Musée Experience Music Project à Seattle (ville natale de Jimi Hendrix). Dans ce bâtiment de 120 000 m2, développé par Paul Allen et dessiné par Frank Gehry, les visiteurs pourront à travers des expositions traditionnelles, des installations interactives, des programmes éducatifs et des concerts découvrir les différentes racines et principes de création de la musique populaire américaine.

J. S.

Pour en savoir plus

LIVRES

Titanic, l’histoire du film de James Cameron, par Paula Parisi, 1998, Presses de la Cité

Digital Domain : the leading edge of visual effects , par Mark Cotta Waz  & Patricia Rose Duignan, Ed Virgin, 330 p, 1996

James Cameron’s Titanic par Ed W. Marsh, photos par Douglas Kirkland. 1998, Editions Boxtree - London

Cinefex 72, décembre 1997. Spécial Titanic

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