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Jean SEGURA                                                                                    

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Laura Kelly met le feu aux clips

par Jean SEGURA

17 septembre 2001

Portrait d'une jeune réalisatrice américaine, formée aux effets visuels numériques, interviewée lors du Siggraph 2001 de Los Angeles.

Une version de cet article a été publiée dans Broadcast n°167, septembre 2001.

 

Depuis deux ans Laura Kelly s'est fait connaître, sous le pseudo de Honey, avec trois vidéo-clips, dont deux ont été classés au top ten de MTV. Née en 1967 en Caroline du Nord, "l'été de l'amour" précise-telle, Laura est élevée sur la côte Est où elle poursuit d'improbables études qu'elle achève à la Film School de New York. Elle ne souvient pas de son diplôme. "Et pourtant, j'étais à la cérémonie" dit-elle d'un air dubitatif", "mais de toute façon, on ne me l'a jamais demandé" ajoute-t-elle, ironique. D'ailleurs, elle n'attend pas longtemps pour trouver du travail.

Douglas Trumbull, célèbre directeur des effets spéciaux de 2001, l'odyssée de l'espace, Rencontre du 3eme Type  et Blade Runner, vient de monter la Berkshire Motion Pictures  pour y produire des films pour les parcs d'attractions. Situé dans la verte campagne du Massachusetts, l'immeuble abrite au début des années 1990 des artistes et magiciens du 7ème Art comme Richard Edlund (la Guerre des Étoiles, L'empire contre-attaque) ou Jeff Kleiser, vétéran de l'animation par ordinateur. Doug Trumbull travaille à cette époque sur la version cinéma dynamique (ou ride) de Back to the Future pour Universal Studio. On a besoin de petites mains, et Laura est à l'ouvrage comme simple assistante de prise de vue. C'est là qu'elle se lie avec Dave Stewart, géant barbu à l'allure de bûcheron et chef du département caméra, qui lui apprend le motion control (prise de vue assistée par ordinateur).

Après Back to the Future , Trumbull se lance dans un projet destiné à l'hôtel Luxor de Las Vegas. Laura Kelly y prend du galon en devenant première assistante du chef opérateur pour la prise de vue en motion control. Par la suite, elle travaille sur le long métrage Judge Dredd, dans lequel son mentor Dave Stewart lui laisse complètement la main pour certains plans ;  puis sur Turbulences  et sur Air Force One, deux films catastrophe dont les effets visuels sont produits en Californie chez Boss Films, studio qu'a dirigé le vétéran Richard Edlund jusqu'en 1997.

Mais son expérience la plus marquante, elle la vivra au contact de Nicholas Brooks, directeur des effets visuels du film Au-delà de nos rêves (What Dreams May Come, 1998) de Vincent Ward, dans lequel on voit Robin Williams se transporter à l'intérieur de peintures vivantes.

"Rage Against the Machine" au MTV Top 10

Ce look "peinture à l'huile" qui a fait la succès du film et donné un Oscar à Nick Brooks en 1998, on le retrouvera dans Butterfly, le vidéoclip que Laura Kelly réalisera deux ans plus tard. "Il est arrivé un moment où j'avais envie d'expérimenter des trucs pour lesquels il n'existe aucun mode d'emploi" raconte-t-elle. "Les clips musicaux, c'est court, et propice à l'imagination".

Son premier vidéo-clip démarre en 1999 avec Rage Against the Machine, groupe de rock fusion de LA très populaire dont les chansons sont politiquement engagées. Pour leur nouveau tube Guerrilla Radio, le scénario proposé par Laura prévoit de parodier le film publicitaire d'une grosse maison de confection américaine. Il s'agit de dénoncer les pratiques scandaleuses d'emploi d'ouvrières travaillant dans des zones franches du Tiers Monde. Sony Music, label qui produit le groupe, hésite quand même à mettre sur les ondes un tel brûlot, de crainte d'avoir à supporter des poursuites judiciaires. Devant la réaction des avocats de Sony, plutôt favorables aux ciseaux de la censure, Laura menace de claquer la porte. Mais la décision est finalement prise, avec son risque de procès à la clé, et le clip sera diffusé par les télévisions tel que l'ont voulu Laura et Rage.

Fin de l'histoire : non seulement Guerrilla Radio a été classé numéro six au top 10 de MTV, "mais la maison de confection ne nous a jamais attaqué, de peur du ridicule" jubile presque déçue Laura. Dans ses deux derniers clips, Butterfly pour le groupe Crazy Town en 2000, et, Rexall pour Dave Navarro en 2001, Laura va introduire plein d'effets numériques : rotoscoping, mattes, effets de particules, 3D, etc. "Dans Butterfly, c'était la première fois que je retravaillais toutes mes images vidéo entièrement sur ordinateur" tient-elle à souligner. Et le résultat n'a pu que doper le succès du clip sur les ondes. Produit par Columbia Butterfly  est resté numéro un sur MTV pendant plusieurs semaines. Laura "Honey" dirige actuellement le prochain clip de Jennifer Paige, jeune chanteuse originaire d'Atlanta.

Jean Segura

Laura Kelly sur IMDb

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