Pierre Friloux : un artiste transdisciplinaire
par Claude Jessua
Pierre Friloux entame son parcours artistique à l'orée des années soixante comme comédien. Jeune stagiaire à la comédie française, il est engagé par J.L Barrault à l'Odéon en 1966 et y travaille notamment avec Jorges Lavelli, Maurice Béjart, Ianis Xenakis. En quête de nouvelles formes de théâtre, il quitte alors l'Odéon, étudie avec le metteur en scène polonais, Jerzy Grotowski, puis enseigne au Théatre-Ecole de Reims dirigé par Robert Hossein où seront réalisées ses premières mises en scène.
En 1975, il fonde, avec Françoise Gédanken, le THEATRE D'EN FACE, troupe de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm. Se succéderont alors sur les scènes européennes et américaines une série de spectacles mettant en scène les interrogations et mutations de notre temps : relations entre folie et normalité, histoire de la féminité, rapports entre l'homme et l'univers technologique.
Sur scène, Pierre Friloux remet en cause les conventions de la représentation. Il explore une voie plurielle où danse, théâtre, musique, arts plastiques et technologies, se rencontrent et se conjuguent, où les frontières entre rêve et réalité, monde animé et inanimé, hommes et machines sont mouvantes et aléatoires. Il affirme ainsi peu à peu sa manière de créer, de jouer avec les corps, de traiter le temps et l'espace pour faire surgir un imaginaire qui initie le spectateur à un autre regard, plus intime et plus global à la fois.
La pluridisciplinarité
A la fin des années 80, il obtient une bourse franco-américaine de recherche et de création (Fulbright/Lavoisiser). D'abord au M.I.T (Massachusetts Institute of Technology), puis à San Francisco. Il développe alors ses projets de machineries numériques, scénographies et sculptures «mi-réelles, mi-virtuelles», intitulées «objets hybrides».
L'un d'eux, monumentale fontaine numérique, baptisée «Vénus hybride», est d'abord réalisé à New-York dans le Pont de Brooklyn, puis présenté dans diverses manifestations internationales, dont le sommet des chefs d'état de Strasbourg en 1990.
De retour en Europe, basé aux Pays-Bas en 1992, il enseigne à l'université d'Amsterdam, écrit, peint, dessine et met en scène plusieurs spectacles. Dans sa maison atelier d'Ainay le Château, où il est installé depuis 1998, il continue d'enseigner et poursuit son travail de création trans-disciplinaire où le corps et l'imaginaire, les outils et les techniques, se côtoient toujours plus intimement pour produire: objets visuels, sonores ou scéniques. Il associe parfois la population à ses projets, comme cette Lysistrata qu'il a adapté d'Aristophane et monté avec la population des quartiers sud de Moulins en 2003.
Son dernier spectacle : "CABARET MÉLOPÉES", Cabaret poétique et musical.
C'est sans doute en travaillant toute une année sur La Fontaine avec les enfants de son village, que lui est revenu le bonheur de dire et l'envie de partager sa gourmandise des mots. D'où sa dernière création "MÉLOPÉES", spectacle où seul en scène, il interprète Baudelaire, Maupassant et Queneau. Cette démarche entre récit, profération, voix et musiques, creuse un sillon inédit dans son parcours, tout comme elle explore un art de dire en train de devenir chant, aux sources de la poésie et des musiques du monde.
Claude Jessua, 2005
Pierre Friloux s’est éteint en été 2007 (note JS).
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