Accueil Le Temps des Etudes... Toute une histoire !... Et si vous me lisiez... A quoi servent les bons Amis ?... Des Vacances à Paris

Jean SEGURA                                                                                    

Contact par e-mail : jean@jeansegura.fr

www.jeansegura.fr

Babelsberg Studios

Studios Babelsberg en 2009

9 novembre 2009

Vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. C'est lors d'un voyage à Berlin et à Potsdam durant l'automne 1997, que mon ami Jean-Paul Cassagnac (1942-2009) m'a présenté Pierre Couveinhes, alors co-gérant des Studios Babelsberg. Il m'y a présenté aussi le réalisateur Peter Fleischmann, que j'ai interviewé, ainsi qu'un autre grand réalisateur allemand, Volker Schlöndorff, lui aussi à l'époque co-gérant des mythiques studios, et d'autres encore qui m'ont permis de rédiger le texte qui va suivre.

Une version de cet article à été publiée dans Sonovision en décembre 1997.

A Jean-Paul Cassagnac, qui vient de disparaître, je dédie ce texte, qui sans lui n'aurait jamais vu le jour.

Babelsberg, cité des médias aux portes de Berlin.

par Jean SEGURA, sur une idée de Jean-Paul CASSAGNAC

14 Novembre 1997

Dans ce qui fut le temple du cinéma expressionniste d’avant guerre, la Compagnie Générale des Eaux dirige un vaste projet : édifier les plus grands studios d’Europe continentale au voisinage d’une cité des médias combinant entreprises, lieux de vie et un parc d’attraction. Un projet qui devrait prendre toute son envergure au tournant du siècle et au-delà.

Berlin, 1997, l’Allemagne réunifiée a hérissé de grues la bande de terrain laissée vacante par le mur de la honte huit ans après sa chute. A quelques kilomètres au Sud-Ouest de l’ancienne capitale, à Potsdam, le « Versailles » des berlinois situé en ex Allemagne de l’Est, s’élèvent d’autres grues. Ici sur un vaste chantier de 47 hectares sont en train de renaître les studios de Babelsberg rachetés en 1992 par la Compagnie Générale des Eaux (CGE). C’est sur ce lieu mythique des riches heures du cinéma expressionniste d’avant guerre (voir encadré), que se dresse maintenant le plan de la Medienstadt (Cité des médias et de l'Audiovisuel) où devront cohabiter sur un même lieu des infrastructures de productions audiovisuelles (cinéma et télévision), des bureaux, un espace urbain avec cinémas, restaurants, boutiques et un parc d’attraction dédié - au cinéma bien sûr - le Babelsberg Studiotour. Le projet, « dont le coût d’investissement global est estimé à 2 milliards de Deutschemarks (6 à 7 milliards de Francs) devra s'étaler sur une durée qui n'a pas été fixée et qui dépendra du développement du marché » explique Pierre Couveinhes de la CGE, gérant des Studios de Babelsberg, fonction qu’il partage avec le réalisateur allemand Volker Schlöndorff et, depuis cet automne, avec le Docteur Friedrich Carl Wachs et Gerhard Bergfried.

Tout commence donc avec la chute du mur. Au début des années 90, le Gouvernement Fédéral de l’Allemagne réunifiée confie à un organisme d’état, la Treuhand, le soin de privatiser les entreprises et biens immobiliers de l’ex République Démocratique Allemande (RDA). Que faire de Babelsberg, un studio qui tourne au ralenti avec 710 employés sous utilisés et sous équipés et qui nécessiterait 150 M DM pour le remettre à niveau? De plus en ex Allemagne de l’Ouest, les réactions sont loin d’être favorables. « La capacité de production à l’Ouest avait encore des réserves comme la Bavaria à Munich ou les studios de Hambourg » explique le réalisateur Peter Fleischmann, président de l'association Centre Européen Audiovisuel de Babelsberg. « D’une manière générale, dans les studios et les implantations techniques audiovisuelles, que ce soit à Berlin Ouest, à Munich, à Hambourg ou encore à Düsseldorf et à Cologne (où de nouveaux équipements étaient en construction), on était radicalement opposé à la reprise de Babelsberg » confirme Volker Schlöndorff.

D’ailleurs, une fois les studios fermés, Babelsberg aurait pu devenir autre chose, et la Treuhand ne manquait pas de demandes de promoteurs immobiliers. Les cinéastes de l'Est et les gens de Babelsberg, inquiets du sort de leur studio cherchent alors à mobiliser l’opinion de leurs homologues européens afin de sauver le site industriel et culturel que représente encore à leurs yeux Babelsberg. Peter Fleischmann, en tant qu’ex-président de la FERA (Fédération Européenne des Réalisateurs de l’Audiovisuel) et lui-même réalisateur allemand (Scènes de Chasse en Bavière, La Faille) ne reste pas insensible à cet appel et finit par entraîner derrière lui des personnalités comme Volker Schlöndorff ou Wim Wenders. Tous ensemble se font entendre auprès du Gouvernement Fédéral pour qu’il prenne en main ce morceau du patrimoine allemand. «Depuis la fin de la dernière guerre en 1945, ces studios ont travaillé à pleine charge pendant 45 ans ; les fermer signifierait que l’Allemagne réunifiée produit moins que les deux pays séparés à l’époque du mur » sont à peu près les termes dans lesquels la FERA s’exprime pour écrire à Helmut Kohl. La réponse du Chancelier sera favorable et voilà Babelsberg provisoirement sauvé, à condition que la Treuhand trouve un repreneur. Après quelques épisodes, dont celui tragique de l’assassinat de Robeder, chef de la Treuhand, c’est au tour du réalisateur Volker Schlöndorff d’entrer en piste. Il enregistre une cassette vidéo, véritable campagne de sensibilisation, qui sera envoyée aux studios du monde entier. Pour cette figure de proue de la nouvelle vague allemande (Les Désarrois de l'élève Törless, Le Coup de grâce, Le Tambour, Le Faussaire, Le Roi des Aulnes, etc) : « il y a une place à prendre en Europe continentale pour édifier des grands studios permettant de réaliser des superproductions - à l’instar d’Hollywood ».

La CGE, qui s’intéresse à l’industrie audiovisuelle (rachat des studios de Boulogne en 1990-1991 et des laboratoires LTC, parts dans le capital de Canal+), reçoit la dite cassette et envoie presqu’aussitôt une délégation. Les responsables de la CGE prennent conscience de la valeur du site, au cœur d’une cité historique et résidentielle, relié à 30 mn du centre de Berlin par deux stations de métro et par l’autoroute. En outre, la CGE a déjà beaucoup misé sur l’ex Berlin-Est avec des opérations comme les Galeries Lafayette et bien d’autres. A la CGE, on émet le concept de « cité des médias » : « c’est à dire que la réhabilitation des studios et leur développement devaient être associés à une valorisation immobilière du reste du terrain » explique Pierre Couveinhes. Ce dernier, un ancien du Groupe Usinor Sacilor, est envoyé à Babelsberg en 1992 par la CGE après le rachat des studios. Il va co-diriger le projet avec Volker Schlöndorff qui, de son côté reçoit l’aval des professionnels du cinéma et des milieux politiques allemands. Quant à Peter Fleischmann, son rôle est multiple, puisqu’il est à la fois conseiller auprès de la CGE pour les Studios de Babelsberg et prend la tête du Centre Européen Audiovisuel de Babelsberg (EFB). La vocation de l’EFB, explique Peter Fleischmann « est de faire renaître les studios de Babelsberg tout en s’articulant sur le développement d’un vrai cinéma européen, et pas seulement allemand ». En outre le projet ambitionne d’associer aux méthodes de production traditionnelles les technologies les plus modernes, notamment dans le domaine du numérique.

Décor à Babelsberg pour Le Pianiste de Roman Polanski (2002)

MAINTENIR LA PRODUCTION

Les studios et le terrain sont donc rachetés par la CGE en 1992 pour 130 M DM. A ce prix doivent être ajoutés plus de 400 M DM que la CGE et ses partenaires ont investis depuis. Car le projet de la CGE est d’associer plusieurs entreprises à cette massive opération. Sur un tiers de la surface des 47 ha, la CGE s’engage à concentrer les studios et à les développer; un second tiers devant être exploité par des sociétés de médias. C’est sur le troisième tiers que devront s’étendre des magasins, cinémas, hôtels et restaurants avec le parc d’attraction Studiotour au milieu. Côté studios, la situation était telle que, depuis la chute du mur en 1989 jusqu’à l’arrivée de la CGE, les effectifs de Babelsberg étaient passés de 2000 à 710 personnes, et qu’il n’y avait plus une seule commande. Dès les premiers mois de 1992, sous l’impulsion de la nouvelle direction est créée une société à capital risque, la UFA Babelsberg, à 50% CGE, 50% CLT-UFA (filiale du groupe Bertelsmann) dont le but est de produire des longs métrages, des séries TV et des programmes internationaux.

La même année on tourne Le Conteur d’images de Bernd Sinkell, suivi de Chacun pour soi de Jean Michel Ribes avec Jean Yanne co-produit par la CGE et du Jules Ferry pour la télévision de Jacques Rouffio. En 1993, c’est la superproduction L’Histoire sans fin 3, plus d’autres films moins connus en France dont Messmer de Roger Spotiswoode. C’est également à Babelsberg qu’à été tourné en haute définition les scènes de studio de Germaine et Benjamin de Jacques Doillon. L’année suivante on réalise La Machine de François Dupeyron avec Gérard Depardieu, La Femme française de Régis Wargnier, Les Années du Mur de Margaret Von Trotta et Victory de Mark Peploë. Puis en 1995, Volker Schlöndorff réalise lui-même Le Roi des Aulnes d’après le roman de Michel Tournier ; et Chantal Ackermann, Un divan à New York .

D’autres productions suivent, dont plus récemment Le Prince Vaillant d’après la bande dessinée d’Harold Foster et Boomer, un film catastrophe de sous-marin en co-production avec HBO. On peut ajouter à cette liste une mini-série sur Catherine La Grande, un film sur le patinage avec Katharina Avit, des « sitcom » de plusieurs centaines d’épisodes (Les Bons moments/les mauvais moments, Doktor Bruckner, Tous ensemble) et des talk-shows. Même si la rentabilité des studios n’est pas encore acquise, on se félicite à Babelsberg de cette reprise d’activité. Comme l’explique Pierre Couveinhes, « il n’y a guère plus d’une dizaine d’œuvres entrant dans la catégorie des grands films à décors (historiques, fantastiques ou d’action) tournés en Europe (hors Grande-Bretagne où l’on tourne généralement des productions hollywoodiennes), et le fait pour nous d’avoir deux ou trois productions de ce genre par an est un score appréciable ». Enfin, estime Volker Schlöndorff: « Maintenant que les constructions sont pratiquement achevées , on va pouvoir se concentrer sur une production propre et non plus simplement comme prestataire de services pour les autres ».

MODERNISATION ET CONSTRUCTIONS

Depuis le milieu des années trente, on avait plus rien construit en dur à Babelsberg. La « Grande Halle » devenue « Halle Marlène Dietrich » élevée en 1926, notamment pour le tournage de Metropolis, reste le plus grand studio d’Europe. Elle est constituée d’un plateau central de 2200 m2 et de 17 m de hauteur plus deux plateaux latéraux de 1500 m2 chacun; la réunion des trois permettant de disposer d’une surface globale de 5000 m2. La Tonkreuz, ou « croix du son » date de l’apparition du cinéma parlant en 1929. Il y a également le bâtiment de la post-production, construit en 1934, avec son studio de mixage, sa salle de cinéma, etc, et, symétrique à ce dernier un autre bâtiment construit l’année suivante où se trouvent encore deux plateaux, une grande salle de réunion et des bureaux. Il a fallu d’abord moderniser cette infrastructure existante qui n’avait pas bougé depuis la dernière guerre : changer les équipements internes, rénover les bâtiments, refaire tous les réseaux (routes, électricité, chauffage, assainissement, etc). L’une des premières réalisations a été la remise en service du studio de mixage grâce notamment à l’intervention de l’EFB. «Plutôt que de se limiter à un studio de taille moyenne comme il peut y en avoir une vingtaine sur Berlin, nous avons préféré faire le meilleur studio de mixage son en Europe » rapporte Peter Fleischmann. La rentabilité de ce studio de 500 m2 et de 10 m de haut avec une acoustique correspondant à une salle de 500 places est aujourd’hui une réalité avec un taux d’occupation de 156% (dont 85% pour le cinéma et 15% pour la télévision).

Autour des quatre immeubles historiques en dur de Babelsberg se trouvaient enchevêtrés divers baraquements dans lesquels étaient hébergés toutes sortes d’activités: télévision, ateliers, décors, costumes, laboratoires, etc. « Pendant la dernière guerre, certains de ces baraquements ont même servi à loger les professionnels du cinéma venus de France dans le cadre du Service du Travail Obligatoire » précise Pierre Couveinhes. Vestiges du passé, la CGE n’hésite pas à se débarrasser de ces « bicoques » pour faire de la place à ses nouveaux projets qui feront l’objet de plusieurs concours d’architecture. Certains de ces projets ont déjà vu le jour : les studios de télévision dont les trois quarts ont été construits, le High Tech Center avec le concours de l’EFB qui est en cours de construction (voir encadré) et plusieurs autres immeubles. Il y a le bâtiment de l’ORB (Ostdeutsche Rundfunk Brandenburg), émetteur de chaîne de radio télévision du Brandebourg, un autre immeuble de bureaux loué à l’ORB et deux autres immeubles pour deux clients en post-production. Est également prévu la construction d’un centre de conférence de type médiaport avec tous les moyens de télécommunications les plus récents.

Par ailleurs, une parcelle de terrain a été vendue au Gouvernement Régional de Brandebourg qui va y installer l’Université du Film et de Télévision Konrad Wolf de Potsdam; laquelle, encore éparpillée dans une dizaine d’immeubles différents, est aujourd’hui la plus grande d’Europe par le nombre d’élèves. Il y a également une parcelle située de l’autre côté de la route sur laquelle ont été construits 8000 m2 de bureaux revendus à la CLT-UFA du Groupe Bertelsmann. D’autres parcelles ont été revendues ou louées à des promoteurs pour bâtir des immeubles de bureaux, de logements ou des villas; des investissements sur le site que la CGE n’a pas financés directement.

BABELSBERG CITY

Très symboliquement l’entrée des studios qui rappelle les fastueuses architectures des studios d’avant guerre ne s’ouvrira pas seulement sur un endroit clos et accessible aux seuls gens de cinéma et de télévision, mais sur un quartier animé avec des rues et des commerces, une lagune, un pont et un vaste boulevard incurvé qui doit servir d’artère centrale au Babelsberg de l’an 2000. Si la partie « médias » du site est en cours d’achèvement, notamment avec l’ouverture du High Tech Center prévue pour la fin de l’année 1998, le chantier côté « ville » ne tardera pas à suivre.

Le Studiotour, ouvert depuis deux ans et demi, a reçu 500 000 visiteurs en 1996 auxquels il faut ajouter le chiffre d’environ 250 000 pour des événements spéciaux. « Nous voudrions atteindre le chiffre d’un million en l’an 2000 » déclare Volker Schlöndorff. Ce parc d’attraction, ouvert huit mois par an, comprend un spectacle de cascadeurs autour d’une lagune, un cinéma dynamique, la visite d’un vrai plateau de tournage et, dans la « Halle Caligari », l’exposition Cine Fantastic qui réunit les accessoires et maquettes de films fantastiques célèbres (King Kong, Le Cabinet du Dr. Caligari, Histoire sans fin, ou les célèbres monstres fantasmagoriques du maître du stop motion Ray Harryhausen) et d’autres attractions en cours de réalisation (une réplique du sous-marin du film Boomer, une montagne russe dans une ambiance « Indiana Jones »; et puis Le Monde de Janosch (dessinateur très populaire pour les enfants), une visite guidée sur siège, etc.

Entrée du parc d'attraction

Les résultats opérationnels du Studiotour (filiale à 100% du Holding Audiovisuel CIP Deutschland GmbH dont Studio Babelsberg est également l’une des filiales) sont positifs même s’ils ne permettent pas encore de couvrir la totalité des amortissements. Selon Pierre Couveinhes, l’équilibre d’exploitation devrait être atteint dès cette année. Les activités TV qui représentent 70% du marché de la partie média de Babelsberg sont d’ores et déjà rentables ainsi que les activités de services (chauffage, électricité, téléphone, gardiennage, jardinage). L’activité studio n’ayant pas encore atteint son équilibre, on essaie de diversifier le potentiel de travail sur d’autres marchés. Ainsi, l’activité de service décors travaille à 80% pour des clients hors média comme la construction de foires.

D’autres équipements sont encore à prévoir, et, comme l’espère Pierre Couveinhes « si le marché audiovisuel se développe, nous aurons besoin de plateaux supplémentaires (…). D’une manière générale, le développement de la partie média est dans la ligne de ce que nous avions prévu et l’ensemble des activités de cette branche devrait atteindre son équilibre d’exploitation dès 1998 ». En termes d’emplois, Babelsberg a retrouvé le même niveau qu’avant la chute du mur avec 2000 personnes, même si la répartition des postes est aujourd’hui complètement différente. Car il y a déjà 100 entreprises implantées sur le site, dont beaucoup sont de petite taille. Le studio proprement dit emploie aujourd’hui moins de 300 personnes. Une grande partie du personnel, 500 personnes en tout, a été reconvertie dans le groupe (ou ailleurs) dans les activités de télévision, dans le Studiotour et dans les diverses activités de service; le reste des 2000 personnes étant employées par les autres firmes implantées ici comme Bertelsmann, ORB, etc. Il faut préciser qu’une bonne partie ce personnel sont des intermittents du spectacle; et donc pas des salariés permanents.

A COTE DE LA CAPITALE RETROUVEE

Même si Peter Fleischmann estime que « le Studio est l’une des privatisations les plus réussies de la Treuhand et qu’elle a trouvé en la CGE un partenaire solide », le bilan global des activités CGE reste encore négatif avec 36,1 MF de pertes en 1996 pour une chiffre d’affaire de 241 MF. Enfin, une incertitude plane encore sur la partie immobilière qui doit permettre d’achever le site de Babelsberg. Comme l’explique Pierre Couveinhes « Il y a actuellement à Berlin d’énormes surcapacités de bureaux et il faut attendre le déménagement du Gouvernement Fédéral qui n’interviendra qu’à la fin du siècle pour voir cette situation changer sensiblement. Les prix sont actuellement très bas et les entreprises qui n’ont pas un intérêt spécifique à être à Babelsberg pour utiliser nos plateaux ou d’autres équipements, trouvent plus attractif et moins cher d’être au centre de Berlin qu’ici ». Car si Babelsberg attire des clients travaillant dans les médias (d’où la priorité absolue donnée aux développements de la zone centrale des studios), le volume d’occupation qu’ils représentent reste insuffisant pour couvrir l’intégralité du site. En l’an 2010, annonce la brochure de promotion de la Cité des Médias Babelsberg, lorsque le développement du site sera enfin achevé, il devrait accueillir plus de 400 entreprises avec 11 000 employés et plus de 600 résidences privées. Le futur de Babelsberg s’inscrit donc dans une équation où se combinent l’immobilier au plan local et l’audiovisuel au niveau international. Près d’un siècle après leur création, les studios pourraient donc un jour prendre leur place au côté d’un Berlin rénové, capitale retrouvée de l’Allemagne européenne du prochain siècle.

Jean SEGURA

DE CALIGARI A TILL L’ESPIEGLE

C’est en 1911 que la Deutsch Bioscop rachète le site de Babelsberg (ou Neubabelsberg), pour son ciel clair, pas trop près de la ville et à l’écart des fumées d’usines. Les premiers films sont tournés dans un ancien atelier de fleurs artificielles comme La Danse de la Mort en 1912 avec Asta Nielsen. On adosse à ce premier bâtiment une « maison de verre » pour les tournages en lumière naturelle. La Deutsche Eclair ou Decla, consortium franco-allemand issu des Studios Eclair fusionne en 1920 avec la Deutsch Bioscop et en 1921 avec l’UFA (Universum Film AG), groupe cinématographique fondé en 1917. A partir de 1922, Babelsberg devient la propriété de l’UFA qui gardera les studios jusqu’en 1945. Autour des années 20 sont réalisés tous les chefs-d’œuvre de l’écran dit démoniaque: Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene (1919), Le Golem de Paul Wegener & Henrik Galeen (1920), Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922), Docteur Mabuse le joueur (1922) de Fritz Lang, Le Dernier des Hommes de Murnau (1929) ou Vampyr (1932) de Carl Dreyer. Cette période expressionniste culmine en 1926 avec Metropolis, pièce maîtresse de Fritz Lang dont le tournage a nécessité la construction de la « Grande Halle ». Avec l’arrivée du parlant, on construit la « croix du son » et d’autres chefs-d’œuvre voient le jour comme L'Ange Bleu (1930) de Josef Von Sternberg et M le Maudit du même Fritz Lang (1931), mais aussi des films d’opérettes.

Le Gramaar, cinéma du Paris de l'occupation reconstitué à Berlin-Balbelsberg

dans Inglorious Basterds de Quintin Tarentino (2008)

Avant guerre, Babelsberg était apprécié pour la taille de ses plateaux et la qualité de ses équipements: le studio de son permettant notamment de tourner en plusieurs langues, etc. Ainsi quelques films français y sont réalisés comme Gueule d'amour (1937) et L'Etrange Monsieur Victor (1938) de Jean Grémillon ou La Bête Humaine de Jean Renoir (1938). C’est aussi l’époque où beaucoup de jeunes et brillants cinéastes et acteurs, souvent issus du théâtre viennois de Max Reinhardt et qui travaillent pour la UFA (Fritz Lang, Ernst Lubitsch, Robert Siodmak et Billy Wilder, Marlène Dietrich et Peter Lorre, etc.), vont fuir le climat délétère qui précède et suit l’arrivée des nazis au pouvoir en 1933. On les retrouve à Hollywood où ils deviennent paradoxalement l’élite du cinéma américain.

Car le cinéma allemand et la UFA sont placés sous le contrôle direct des nazis et de Gœbbels qui, en personne, prend la direction des studios. Si l’on fait exception des films de Georg Wilhelm Pabst, resté en Allemagne pendant cette période, peu d’œuvres feront date. On y tourne des opérettes bavaroises sans intérêt et - de sinistre mémoire - des films de propagande comme Le Jeune Hitlérien Quex (1933) de Hans Steinhoff, Le Juif Süss (1940) de Veit Harlan, ou encore du même réalisateur, Kolberg , film en costumes qui n’a été terminé (avec une nouvelle fin) qu’après l’armistice de 1945. Mais la guerre n’arrête pas le cinéma. Quelques jours à peine après la conférence de Potsdam qui se tient en juillet août 1945 à quelques centaines de mètres des studios (au cours de laquelle Truman, Staline et Churchill entérinent les accords de Yalta) le travail reprend à Babelsberg sous la direction d’un officier russe, cette fois-ci.

La UFA cède alors la place à la DEFA (Deutsche Film AG) qui nationalise les studios. On y tourne la première œuvre sous l’égide de la RDA: Les Assassins sont parmi nous (1946) œuvre anti-nazie de Wolfgang Staudte. Pendant 45 ans, Babelsberg va sortir en moyenne 27 films par an (beaucoup de spectacles pour enfants et de films historiques encore très populaires) mais dont assez peu arriveront à franchir les seules frontières du bloc de l’Est, à la différence des cinémas russe, polonais, tchèque ou hongrois. Quelques auteurs est-allemands se distinguent comme Wolfgang Staudte ou encore Konrad Wolf avec des œuvres comme Sterne (1958) ou Le Ciel partagé (1964). Par ailleurs, quelques films français sont encore tournés à Babelsberg comme Les Sorcières de Salem de Raymond Rouleau (1956), Les Aventures de Till l'Espiègle de Gérard Philippe (1956) ou Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois (1958 avec Jean Gabin).

J.S.

LE HIGH TECH CENTER, PHARE TECHNOLOGIQUE

« A côté du studio de mixage son, il fallait créer un autre phare à Babelsberg pour en faire l'un des studios les plus modernes au monde » raconte Peter Fleischmann. L’idée de disposer au sein même des studios d’un lieu où seraient concentrées les moyens les plus sophistiquées, notamment en matière numérique, « est un élargissement de la production classique aux possibilités des nouvelles technologies » poursuit le président du Centre Européen Audiovisuel Babelsberg (EFB) qui est maître d’ouvrage de l’opération. En cours de construction, le High Tech Center (HTC) doit être inauguré à la fin de l’année 1998. On y trouvera une architecture pour le rendu rapide d’images basé sur un supercalculateur Convex de Hewlett-Packard (64 processeurs, 4 Go RAM, 100 Go de disque) et sur Mental Ray, logiciel de la firme berlinoise Mental Images ; un studio virtuel Orad ; une unité mobile de tournage en « motion control » ; et un système complet de post-production numérique.

Des liaisons numériques de type ATM sont prévues afin de véhiculer images, sons et données en interne, et à terme sur l’extérieur. Le bâtiment sera divisé de telle manière que des entreprises indépendantes pourront également bénéficier de ces équipements. Entre 200 et 250 personnes, internes au HTC ou prestataires, pourront bientôt y travailler. L’EFB a fondé une structure commerciale appelée High Tech Center Babelsberg GmbH dont l’actionnariat est constitué de Studio Babelsberg, Bertelsmann, Deutsche Telekom, O.tel.O. (société privée de télécomunication filiale de RWE et de VEBA) et l'EFB elle-même qui détient 20% des parts, « ce afin que les idées d'origine soient garanties » précise Peter Fleischmann. Le HTC dont le premier directeur a été le réalisateur documentariste Peter Krieg est aujourd’hui dirigé par Godefrey Pye, venu d’Angleterre.

J.S

Accueil Le Temps des Etudes... Toute une histoire !... Et si vous me lisiez... A quoi servent les bons Amis ?... Des Vacances à Paris